

La marque a la pomme doit présenter de nouveaux produits. Bien décidée à ne pas payer les 13 milliards d'euros d'impôts que la commission européenne estime qu'elle doit à l'Irlande, Apple croit savoir et fait savoir ce qui devrait être de la compétence de l'Union Européenne.
Partons à San Francisco pour un événement que les médias spécialisés ont attendu tout l'été: la présentation par Apple de son possible nouveau téléphone intelligent.
Les spéculations vont bon train pour savoir quelle sera cette fois le plus technologique présenté, mais la grande question que je me pose moi, c'est si Apple va réussir à faire oublier ses déboires en Europe.
Mardi 30 août, la commission européenne a demandé à Apple de rembourser à l'Irlande 13 milliards d'euros, en considérant que les arrangements passés entre l'entreprise américaine et le fisc irlandais s'apparentaient à des aides d’État...
Depuis une semaine, Apple cherche à décrédibiliser le travail de la commission européenne. Dans un journal Irlandais, le PDG d'Apple a traité cette décision de " political crap", "foutaise politique", il s'est adressé à ses clients dans une lettre, et aux investisseurs dans un court question/réponse.
Les arguments valent leur pesant d'or, la firme américaine a même des leçons d'Europe à nous donner.
Le programme d'Apple pour l'Europe
Commençons par le message à ses clients qui est le plus long. 14 paragraphes en tout. Je vous passe les passages émouvants sur les débuts d'Apple à Cork, dans les années 80, je vous épargne les centaines de milliers d'emplois de développeurs crées grâce à Apple, au maintien d'un million 500 000 emplois en Europe grâce à Apple, pour arriver, au nerf de la guerre: les impôts.
Nous n’avons jamais demandé, ni reçu, de traitement spécial. Nous nous trouvons à présent dans la situation inédite de devoir payer rétroactivement des impôts supplémentaires à un gouvernement qui déclare que nous ne lui devons rien de plus que ce que nous avons déjà payé. L’approche de la Commission est sans précédent et a des implications graves dont la portée est étendue. De fait, la Commission propose de modifier la législation fiscale irlandaise en fonction de sa propre conception de la fiscalité. Et de ce que celle-ci aurait dû être, selon elle. Une telle mesure porterait à la fois un coup dévastateur à la souveraineté des États membres de l’UE en matière fiscale et au principe de sécurité juridique en Europe.
Un coup dévastateur à la souveraineté des États membres de l’UE en matière fiscale ? N'est-il pas touchant de voir le grand patron d'une multinationale s'inquiéter de la souveraineté des Etats? S'en inquiète-t-il aussi lorsque ces mêmes Etats européens négocient des accords de libre échange, compétence pour laquelle, contrairement à la fiscalité, ils ont abandonné leur souveraineté? Je ne suis pas sûre.
Cette réponse du PDG d'Apple est assez emblématique de la tendance de certaines multinationales à faire de la politique. Je vous conseille à ce sujet, cet article " Google, Amazon, Facebook, sont-ils des partis politiques ?".
Nous Européens sommes un peu perdus parfois sur ce que doit être l'Union Européenne, mais Tim Cook, lui sait ce qu'elle doit être: un espace sans fiscalité commune. Peu importe que tous les experts relèvent le non sens d'avoir créée une monnaie commune sans harmonisation fiscale, Tim Cook, lui sait ce qui est bon pour l'Europe.
Mieux encore, il nous met en garde.
Au-delà du ciblage évident d’Apple, l’effet le plus profond et le plus néfaste de cette décision se fera ressentir sur l’investissement et la création d’emplois en Europe.
Des arguments fallacieux
L'argument des représailles économiques a également été brandi par le gouvernement américain. Il est assez simpliste. Si Apple est présent en Europe, ce n'est pas pour produire ses produits (ou de façon marginale, mais de toutes façons ils ne répondent pas aux questions sur ce point), mais pour les vendre. Pense-t-on qu'Apple va boycotter le marché européen pour protester contre la décision de la commission européenne? Pense-t-on qu'Apple va se passer d'un marché qui compte plusieurs centaines de millions de consommateurs assez riches pour consommer ses chers produits?
Argument fallacieux s'il en est. Mais quand on demande au service de presse d'Apple, quelle est la part des produits Apple vendus en Europe? Pas de réponse... Quand on demande combien il y a de salariés Apple en France (ce qui permettrait de se faire une idée des résultats qui sont faits dans l'hexagone), l'attaché de presse répète: "Nous ne donnons pas ce chiffre".
Quand on demande ce qui est compté dans les 400 millions de dollars qu'Apple dit payer en impôt en Irlande en 2014, comme indiqué dans sa lettre aux investisseurs, si cela comprend la TVA, les cotisations sociales, bref, à chaque fois qu'on pose une question, vous connaissez la réponse... pas de réponse.
Et vous savez pourquoi? C'est parce que comme me l'a expliqué cette attaché de presse très courtoise,
"Chez APPLE, la star c'est le produit".
L'entreprise Apple ne doit exister QUE par ses produits. Apple communique peu sur l'entreprise Apple (sauf au moment des résultats financiers). C'est comme si la personne morale n'existait pas. Or la décision de la commission fait exister Apple en tant qu'entité "corporate" qui a des devoirs, dont celui de payer ses impôts en accord avec la réalité économique de ses activités.
Apple aura-t-elle réussi à faire oublier cette réalité qui la dérange lors de la présentation de ce soir? Aura-t-elle réussi à rétablir cette déconnexion entre ce qu'elle vend, et ce qu'elle est? Les journalistes présents lors de cet événement poseront-ils la question ???
Il n'y aura pas de question à ce sujet ce soir à San Francisco, comme me l'a signalé un auditeur après la diffusion radio du billet.
Un produit ne répond pas aux questions, of course...
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