Pourquoi Vivarte ne fait pas la une de vos journaux...

Devanture d'un magasin du groupe Vivarte dans le secteur piétonnier de Lille en 2015
Devanture d'un magasin du groupe Vivarte dans le secteur piétonnier de Lille en 2015 ©Maxppp - Sebastien JARRY
Devanture d'un magasin du groupe Vivarte dans le secteur piétonnier de Lille en 2015 ©Maxppp - Sebastien JARRY
Devanture d'un magasin du groupe Vivarte dans le secteur piétonnier de Lille en 2015 ©Maxppp - Sebastien JARRY
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Le leader de l'habillement en France (4500 magasins, 22 000 salariés) est en grave difficulté. PDG débarqué, plan social en cours, endettement colossal, fonds vautour à la tête de l'entreprise. Pourtant, malgré la campagne présidentielle, aucun politique ne s'en saisit. Trop compliqué pour eux?

Peu de média en parlent, l'Agence France Presse n'a pas fait une dépêche sur le sujet depuis que le précédent PDG a été débarqué vendredi dernier 28 octobre. Il y a avait pourtant hier (2 novembre) une rencontre entre le nouveau PDG, Patrick Puy, un spécialiste des entreprises en crise et les syndicats. A part le Monde, le Nouvel Observateur, et Fashion Network je n'ai pas trouvé un seul article dans la presse sur ce sujet.

On m'a signalé depuis un article dans l'Humanité, mais il n'est pas en ligne. Je précise que je ne dis pas que personne n'en parle ou n'en a jamais parlé. Je m'étonne juste qu'en ces jours troublés (pdg débarqués, nouveau pdg qui rencontre les syndicats), si peu de médias s'en fassent l'écho.

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NB: Je vais remettre cet article à jour au fur et à mesure des réactions politiques que je recevrai. A ce jour, 24 janvier un seul candidat potentiel à la présidentielle a pris le temps de me répondre. Il s'agit de Benoit Hamon. Je copie-colle le texte que m'a fait suivre la personne de son équipe de campagne que j'avais contacté. Du côté de F. Fillon (le premier à s'intéresser au sujet, via, lui aussi son équipe de campagne), pas de nouvelles. Du côté de Vivarte, après un long silence, j'ai renouvelé mes questions auprès du service de presse de Vivarte, qui cette fois m'a mis directement en contact avec le PDG de l'entreprise Patrick Puy. ll assure lui même les relations presse (ce qui est assez inédit), et me contacte maintenant directement chaque fois que je pose une question sur le groupe ou sur lui.

Vivarte, c'est quand même 17 000 salariés en France. Quatre plans sociaux depuis le début du quinquennat, un plan social l'an passé de 1600 personnes. 4500 magasins en France dans chaque centre ville de chaque petite ville (Kookai, la Halle aux Chaussures, San Marina etc...) mais le sujet n'est pas à la une des médias, et, il n'est pas non plus à l'agenda des politiques. Est-ce parce qu'il n'est pas à l'agenda des médias qu'il n'est pas à celui des politiques, ou le contraire... intéressante question.

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Comme il est à mon agenda, mais que j'ai peu d'écho (j'en profite pour vous inciter à diffuser ce billet (et tous les autres d'ailleurs :) largement ), je les ai quasiment tous contactés via twitter ou via leur équipe de campagne (par téléphone), de Marine Le Pen à Nathalie Arthaud en passant par Juppé, Fillon Sarkozy, Poutou, Hamon, Montebourg etc etc...

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J'ai relancé Arnaud Montebourg alors que son compte relayait ses convictions sur l'Etat stratège, la défense des entreprises françaises etc...

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Mais rien, chou blanc. Un seul m'a répondu dans la journée, Serge Grouard, Député-Maire UMP d’Orléans et soutien de François Fillon, mais pour me dire qu'il ne pouvait pas me répondre tout de suite. Benoit Hamon comme indiqué au dessus m'a répondu (via son équipe de campagne) le dimanche 6 novembre. Les autres? Vivarte connait pas, ou autre chose à faire pour la classe politique française. Le contraste avec ALSTOM est saisissant.

Du capitalisme entrepreneurial au financier

J'ai expliqué hier ( 22 000 salariés dans les mais de vautours de la finance) comment ce groupe avait quitté le giron de l'entreprise familiale, paternaliste même, qui s'appelait André, du nom des chaussures, pour se retrouver au début des années 2000 entre les mains d'investisseurs financiers.

Que des acteurs purement financiers prennent le contrôle d'entreprises, pourquoi pas, après tout les entreprises ont besoin d'argent. On appelle ça le PRIVATE EQUITY, et c'est très courant. Toutes les banques ont des fonds de private equity et il y a de très nombreux acteurs sur ce terrain. Ça peut bien se passer. Mais parfois, non.

J'ai pu parler avec un ancien haut cadre de Vivarte, et selon lui, les erreurs de stratégie ont commencé justement avec l'arrivée des financiers.

  1. ils ont racheté des entreprises textile au début des années 2000, ce qui n'avait rien à voir avec le cœur de métier de l'entreprise qui était la chaussure
  2. ils n'ont pas vu venir le virage internet et n'ont pas investi dans le e-commerce. Dommage...

Mais cela se comprend. Dans leur logique financière, leur but n'était pas d'investir mais de vendre l'entreprise au bon moment. C'est ça la différence entre le capitalisme financier et entrepreneurial. L'objectif n'est pas le même.

En 2007, ils ont vendu l'entreprise à un fond financier britannique, avec une une énorme plus valu, à la clef.

Le problème c'est que cette vente s'est faite via un LBO, j'explique tout dans mon billet d'hier. Ce qu'il faut retenir c'est que depuis l'entreprise se débat avec une dette colossale, jusqu'à tomber entre les mains de fonds que l'on dit vautours en 2014.

Bienvenu dans un monde où...

Comme me l'a confié une source proche du dossier :

L'entreprise est un véhicule pour faire du cash, les salariés de la piétaille, et le management jetable

On a là un très bel exemple de mauvaise finance. De capitalisme financier à opposer au capitalisme entrepreneurial. Encore une fois, relisez le discours du Bourget, de François Hollande, celui de Toulon, de Nicolas Sarkozy en 2008, en pleine crise financière.

Pourquoi ce silence aujourd'hui? Parce qu'il n'y aurait rien à faire?

Et bien non. D'ailleurs Bercy m'a dit surveiller le dossier Vivarte et même vouloir développer des fonds de dette comme ceux qui ont pris le pouvoir de Vivarte, mais Français et para-publiques, via la BPI.

Plus loin, on pourrait réguler ce marché de la dette décotée, sur lequel interviennent ces fonds vautours et qui pour le moment échappe à la surveillance de l'AMF.

On pourrait supprimer la déductibilité des intérêts d'emprunts des LBO. François Hollande l'avait évoqué après son discours du Bourget, mais rien n'a vraiment changé après pour les LBO. Il faut dire que le sujet est moins facile à comprendre que "taxer les hauts salaires à 75%".

La finance, un sujet trop compliqué?

Et c'est là peut être que l'on peut trouver une explication dans le silence qui entoure Vivarte.

Les politiques comprennent-ils bien ce qui arrive à l'entreprise? La finance de haute volée, comme celle qui est à l’œuvre avec ces fonds vautours, est-elle à leur portée?

A moins qu'ils estiment qu'elle n'est pas à la nôtre, de portée, et qu'il n'est donc pas la peine de s'en soucier.

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Autre hypothèse évoquée par le tweet précédent, les salariés de Vivarte sont en majorité des femmes, précaires à temps partiel et leur mécontentement n'effraie pas autant que celui des hommes d'Alstom.

Tout cela à la fois sans doute. Pour nous prouver le contraire, tous les candidats peuvent toujours répondre à mes interpellations. Et c'est toujours valable aujourd'hui 24 janvier que je remets à jour ce billet.

Vivarte sera-t-il l'un des dossiers chaud de la présidentielle?

Marie Viennot

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Réactions/ proposition de Benoit Hamon, candidat à la primaire socialiste

Déjà rendre public le scandale, ne pas laisser les fonds faire leur affaire en silence. ils ont souvent peur pour leur image, donc lorsqu'ils dépassent les bornes il faut le faire savoir.-

  • Les grands syndicats de salariés devraient d'ailleurs se doter d'un observatoire des fonds d'investissement pour noter ceux qui ont les pratiques les plus critiquables. tout le monde a intérêt à mieux connaître ses acteurs qui dominent désormais le capitalisme mondial.
  • Au passage, avec des syndicats aussi peu nombreux, certaines entreprises françaises sont devenues faciles à démanteler, restructurer, ..
  • Je suis très surpris du silence du gouvernement sur le dossier. Je crains que la "politique de l'offre" chère à notre président de la république ne le pousse à demeurer silencieux, de crainte de faire perdre à la France son attractivité, qui est pour lui l'alpha et l'oméga de sa politique économique. Or, toute cette politique est un échec, c'est d'ailleurs celle là même que la Droite veut prolonger. A donner toujours plus aux financiers, sans exiger, jamais de contreparties, nous sommes pieds et poings liés, sans les ressources dont nous aurons besoin pour investir dans l'économie de demain, l'économie verte, et sans les emplois attendus.
  • plus structurellement, il faut mettre en place des mesures pour réduire le coût du capital et sa pression, j'en avais listé plusieurs dans ma tribune, que ce soit la parité entre salariés et actionnaires au conseil d'administration sur le modèle allemand pour tempérer l'appétit de ces derniers, une modulation du taux d'impôt sur les sociétés en fonction du taux d'investissement, une fiscalité du dividende qui avantage l'investisseur long terme, bref, c'est une autre vision de l'économie qu'il faut inventer, où les salariés ont plus de pouvoir, où l'Etat régule plus activement, où les financiers sont là pour apporter des capitaux au lieu d'en retirer le plus possible,
  • en économie ouverte mondialisée, cette action ne peut pas se mener en France seulement, l'Europe est la bonne échelle pour cela, malheureusement le projet européen tel qu'il est aujourd'hui va à l'opposé, toujours plus de concurrence, toujours plus de financiarisation, songez que le grand projet de la Commission actuellement c'est la relance de la titrisation, méthode de financement qui a causé les dégâts que l'on sait, faisant de la chute de Lehman Brothers une crise mondiale.
  • tous les Gouvernements européens, de droite comme de gauche, devraient se rendre compte qu'il en va de l'intérêt de l'Europe, de son économie et de ses salariés de retrouver une économie plus patiente, moins gourmande, plus proche des gens, et de leurs besoins réels.
  • c'est une vraie bataille culturelle que les penseurs hétérodoxes, les citoyens de gauche, les syndicalistes, doivent mener pour imaginer une autre façon de produire, travailler et consommer.

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