Entre 2012 et 2017, la concertation avec les partenaires sociaux n'est plus un thème de campagne. Emmanuel Macron veut leur retirer la gestion de l'assurance chômage, et Marine Le Pen met en doute leur représentativité.
On les appelle "partenaires" depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Partenaires sociaux car ils gèrent ensemble les organismes de sécurité sociale qui ont vu le jour à la libération.
Syndicats de salariés d'un côté, d'employeur de l'autre, opposés sur les idées, ils le sont aussi à la table des négociations dans les entreprises, mais c'est ensemble qu'ils gèrent notamment
- l'assurance chômage,
- les retraites complémentaires,
- la formation professionnelle,
- le logement social.
En tout, estime un rapport rendu récemment par l'Institut Montaigne intitulé "Dernière chance pour le paritarisme de gestion", 150 milliards d'euros sont entre les mains de ce paritarisme de gestion. 150 milliards à comparer aux 370 milliards du budget de l'Etat, ce n'est donc pas anecdotique du tout.
En 2012, François Hollande avait fait de la relance du dialogue social un axe fort de son programme. A l'ouverture d'une des conférences sociales de son mandat, il lançait cette mise en garde (vers 4 minutes de la vidéo)
Il est tentant, tellement facile d'ailleurs, de s'en prendre au dialogue social. De mettre en cause la légitimité des syndicats, des organisations d'employeurs et de considérer le paritarisme comme une vielle lune.
Des propos quasi visionnaires. En 2017, ses deux successeurs potentiels tiennent chacun un partie de ce discours. Emmanuel Macron propose de retirer la gestion de l'assurance aux chômage aux partenaires sociaux, et Marine Le Pen, remet en cause leur représentativité.
150 milliards gérés par les partenaires sociaux
C'est un des point majeur du programme du candidat d'En Marche: nationaliser l'assurance chômage. Concrètement cela veut dire que ce ne sont plus les partenaires sociaux qui déciderait de la durée d'indemnisation, des cotisations etc... mais l'Etat.
De fait, l'Etat intervenait déjà dans cette gestion, en donnant des conseils appuyés, et en abondant les caisses de l'Unedic quand elles sont déficitaires, on parlait d'ailleurs de tripartisme. Donc, il y a là une clarification des rôles.
Et une conséquence directe: désormais les salariés et les employeurs ne cotiseront plus pour l'assurance chômage, cela permet de baisser les cotisations sur les salaires, et c'est l'Etat qui prélèvera les milliards nécessaires au régime via la CSG. On sort de l'idée d'une assurance, pour aller vers un principe de solidarité, à laquelle les retraités contribueront aussi. En 1995, Alain Juppé a fait la même chose avec l'assurance maladie, qu'il a lui aussi retiré aux partenaires sociaux pour redonner le pouvoir à l'Etat.
Sur la formation professionnelle, l'Etat ne reprend pas la main dans les projets d'Emmanuel Macron, mais il participe au financement et exige que les organismes de formation soient labellisés. Enfin le passage à une retraite à point aura sans doute sur la gestion des retraites complémentaires (encore aux mains des partenaires sociaux), mais on n'en est pas encore là.
"Des représentants qui ne représentent qu'eux mêmes"
Emmanuel Macron ne remet cependant pas en cause en revanche la légitimité des syndicats. Au contraire puisqu'il loue le dialogue social au niveau des entreprises.
C'est là qu'il y a une vraie différence avec Marine Le Pen. Lors de sa visite surprise chez Whirlpool, elle a traité les syndicalistes qui parlaient avec son adversaire: " de représentants qui ne représentent qu'eux même". Dans son programme la candidate du Front National promet de supprimer le monopole de représentativité des syndicats actuels, et de soumettre leur financement au contrôle public. Dans les faits, ce contrôle existe déjà. Depuis 2008, la loi soumet les comptes des partenaires sociaux à la certification et la publication. Mais le sujet reste hautement sensible.
En 2011, une commission parlementaire a enquêté 6 mois sur les mécanismes de financement des organisations syndicales d'employeurs et de salariés. Fait exceptionnel, la commission n'était pas ouverte à la presse. Le rapport Perruchot du nom de son auteur a été enterré, dans un premier temps, non publié. Il ne sortira qu'une fois la présidentielle de 2012 passée.
Aujourd'hui encore, des flous demeurent. Ainsi, le nombre de mandats accordés aux partenaires sociaux pour assumer la gestion des organismes paritaires n'est pas clair. Dans son rapport précédemment cité, " Dernière chance pour le paritarisme de gestion", l'institut Montaigne estime que le chiffre oscille entre 100 000 et 200 000.
De quoi alimenter les doutes, et un discours anti-syndical qui fait des adeptes d'un bout à l'autre de l'échiquier politique.
Marie Viennot
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