

Emmanuel Macron et Angela Merkel se sont mis d'accord pour ouvrir une nouvelle feuille de route pour l'Europe. La chancelière Allemande s'est dit ouverte à la modification des traités, si cela a un sens. Les projets sur la refondation de la zone euro sont légions mais les blocages sont énormes.
Le couple franco-allemand a donc annoncé qu'ils allaient travailler pour l'Europe et la refonder. A ce stade là, des mots, ne pas trouver d'accord se serait acter qu'on souhaite en finir avec l'Europe, mais il y a quand même eu un petit pas en avant fait par l'Allemagne hier.
En langage politique, on dirait que l'Allemagne a soufflé le chaud et le froid depuis l'élection d'Emmanuel Macron. Ou plutôt le froid et le chaud.
Le froid, c'était il y a une semaine, le ministre des finances Wolfgang Schaüble fait remarquer que les propositions du président français tout juste élu sur la zone euro, nécessitent une modification des traités européens. Pas réaliste, affirme t-il.
Et hier 15 mai, donc le chaud soufflé par la chancelière allemande, concédant qu'il est possible de modifier les traités, mais attention il y a un si quand même.
D'un point de vue allemand, il est possible de modifier les traités, si cela a un sens" a précisé Angela Merkel.
Un sens pour qui? Un sens pour quel objectif? Quel est cet objectif au delà du mot REFONDATION? Ces questions restent entières après la conférence de presse commune des deux chefs d’État hier, pour ne pas dire abyssales.
Refondation = revenir à l'idée d'origine
Restons sur la zone euro, pour limiter le champ des possibles.
Créer une zone monétaire commune, c'était l'idée de faire contrepoids au dollars, de constituer un bloc cohérent pour les investisseurs internationaux, de mettre fin à la guerre des monnaies entre partenaires européens, d'offrir aux marchés financiers un espace financier large et profond en limitant les couts de transaction... j'en oublie, il y avait aussi des visées politiques, empêcher après la réunification la création d'un espace "mark" trop puissant...
En résumé, l'idée de fond, c'était d'impulser, par la monnaie, une plus forte intégration européenne. A cette époque, les économistes laissaient d'ailleurs quelques années pas plus, après le lancement de la monnaie unique pour qu'une Europe fiscale et sociale se mettent en place. Mais... le projet s'est arrêté là.
On a crée des mécanismes de convergence des politiques économiques et budgétaires, les fameux critères de Maastricht et plus récemment ce qu'on appelle le semestre européen, mais on est resté au milieu du gué.
Et la zone euro a divergé. Les écarts de richesses et de compétitivité se sont au contraire creusés. Au Nord, des excèdents trop forts, au Sud de trop grands déficits. Le billet économique évoque souvent ces questions!
- Sur le semestre européen et les divergences de balances courantes: a divergence de com Trop d'excédents (allemands) nuisent à la santé (de l'économie européenne)
- Sur les difficultés à mener une politique monétaire quand les économies divergent: Inflation des pressions allemandes sur la BCE
- Sur le chantier toujours en cours de la convergence sociale: A quand un triple A social?
- Sur les appels répétés à la convergence sociale et fiscale: Harmonie fiscale et sociale dans l'UE: encore des mots
La crise financière et la crise Grecque ont failli tout faire voler en éclat. D'autres mécanismes ont donc été créés, souvent dans l'urgence: le mécanisme européen de stabilité, l'union bancaire... mais on est toujours dans un équilibre précaire.
D'ailleurs Emmanuel Macon le disait lui même il y a 18 mois quand il était ministre de l'économie :
"Si rien ne bouge, il n'y a plus de zone euro dans dix ans", Emmanuel Macron.
Refonder la zone euro: encore un projet?
Sur la zone euro, le projet présenté par Emmanuel Macron pendant sa campagne
- veut avancer sur la convergence fiscale et sociale,
- mettre en place un budget, pas de fonctionnement mais de crise et d'investissement
- sur le plan institutionnel, il plaide pour un exécutif de la zone euro, un ministre des finances, et un parlement de la zone euro.
Ce sont des idées connues, qui ont déjà été évoquées dans de multiples rapports:
- 5 décembre 2012, le rapport dit « des quatre présidents » et intitulé « Vers une véritable Union économique et monétaire »
- juin 2015, le rapport dit des cinq présidents cette fois, (président de la Commission, du Parlement européen, du Conseil européen, de la Banque centrale et de l’Eurogroupe), qui part du précédent et fixe une feuille de route précise et prévoit d'achever cette "union économique et monétaire véritable", en 2025. Ici pour une analyse critique.
- en juillet 2015, en pleine crise grecque François Hollande plaide pour un gouvernement économique de la zone euro
- novembre 2015, un rapport d'information est présenté au parlement français par la commission des affaires européennes sur la gouvernance de la zone euro
- mai 2016, projet de rapport présenté au parlement européen, par une parlementaire française (Pervenche Beres) et allemand (Reimer Böge) pour compléter la zone euro et la doter d'un budget.
- 2017: le projet de Benoit Hamon porté par Thomas Piketty évoque aussi la création d'un parlement européen de la zone euro
Vous trouverez aussi de très nombreux rapports sur ce sujet venant du conseil d'analyse économique, l'institut Bruegel et autres... Ils ne disent pas tous la même chose. Le parlement de la zone euro a parfois un rôle seulement consultatif, parfois décisionnaire, il peut être large ou resserré, mais l'idée est toujours la même: il faut avancer.
Que manque-t-il?
Il faut surmonter deux blocages de fond, qu'Emmanuel Macron a d'ailleurs très bien identifié lors de la campagne. Lui parle de tabous.
- Un tabou français, qui est le transfert de souveraineté... la zone euro complète, c'est moins de compétences laissées à chaque pays.
- Un tabou allemand, qui est le transfert financier. La zone euro véritable suppose que les régions riches de la zone euro soient solidaires financièrement des plus pauvres, comme cela se fait dans les pays, entre l'Ile de France et la Creuse par exemple, ou la Toscane et la Sicile.
La refondation de la zone euro passe par du fédéralisme, et de la solidarité financière. C'est très simple au fond. Vouloir refonder l'Europe sans vouloir perdre un peu (voire beaucoup) de son pouvoir national, c'est un oxymore. Qu'on se le dise. Pourvu qu'on se le dise dorénavant clairement.
Marie Viennot
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