Sauver le monde avec les "Buddhist Economics"

Statut de Bouddha honorée à Ang Thong en Thailande
Statut de Bouddha honorée à Ang Thong en Thailande ©Reuters - Jorge Silva
Statut de Bouddha honorée à Ang Thong en Thailande ©Reuters - Jorge Silva
Statut de Bouddha honorée à Ang Thong en Thailande ©Reuters - Jorge Silva
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Enseignée aux Etats Unis, mais pas encore en France, les "Buddhist Economics" puisent dans les enseignements bouddhistes pour proposer une approche radicalement différente de l'économie. Economie de moyen, limitation des désirs, interconnexion avec les autres et la nature. Et si c'était la solution?

OMMMMMM, ça peut faire du bien pour commencer la semaine, et je vous conseille d'en faire trois, avant de poursuivre votre lecture de ce billet sur les "Buddhist economics". OMMMMMMMMMMMMMMMMMMMMMMMM.

Il n'y a pas d'équivalent en France, donc je ne sais pas trop comment on peut traduire ces "Buddhist economics" autrement que part "Principes bouddhistes appliqués à l'économie".

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C'est une discipline qui est enseignée aux Etats Unis, dans l'une des meilleures universités du pays, l'Université de Berkeley, en Californie. Je vous en parle aujourd'hui car l'un des représentants les plus éminent de la tradition bouddhiste tibétaine le 7ème Dzogchen Rinpoché est en ce moment en France où il donne une série de conférences... et que ce passage coïncide avec un article que j'avais vu passer sur la très sérieuse agence de presse financière Bloomberg intitulé: "Could Buddhism save the global economy?" "Le Boudhisme peut-il sauver l'économie mondiale".

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Le lien ci-dessus conduit à un podcast dans lequel est interviewée Clair Brown, une économiste américaine spécialisée dans l'industrie high-tech, la détermination des salaires, la pauvreté et le chômage. Elle vient de publier un livre intitulé " Buddhist economics" (non traduit en français), y consacre un blog, et surtout un cours, comme je vous le disais au début.

Les "Buddhist economics" ne sont pas un enseignement théologique, mais bien économique. Clair Brown le propose depuis plusieurs années à ses étudiants de première année. 30 heures de cours en tout m'a t-elle confirmée, qui commencent systématiquement par quelques minutes de méditation.

Elle a mis au point ce cours à force d'entendre ses étudiants lui dire sa frustration au sujet des modèles économiques qu'on leur enseigne. Modèles qui disent que:

"la croissance est toujours un bienfait et la consommation un voyage rapide pour le Nirvana".

Pratiquant elle même la méditation, elle s'est demandée, "Comment Bouddha enseignerait mon cours de première année?".

Amartya Sen, Jeffrey Sachs

La démarche de Clair Brown n'est pas isolée. Dans les années 70, déjà un livre intitulé "Buddhist Economics" pose les jalons de cette façon alternative d'envisager l'économie. Il s'inscrit dans la tradition hétérodoxe on dirait en France, dans le sens où il remet en cause les vérités et les présupposés de l'économie néo-classique. Ici un extrait de ce livre (en anglais).

Ces modèles sont enseignés dans le cours de Clair Brown, mais comparés notamment aux recherches d'Amartya Sen, prix nobel d'économie connu pour avoir développé des indicateurs de bien être alternatif au seul PIB. Comment mesurer le bien être? Diverses expériences sont enseignés dans ce cours, notamment l'indicateur de bien être du Bouthan, ou le World Hapiness report de l'ONU pour lequel milite aussi Jeffrey Sachs, un économiste américain spécialisé dans les sciences de la Terre.

La voie du Milieu... et l'économie.

Il y a dans le Bouddhisme ce qu'on appelle la voie du milieu, mais l'économie bouddhiste n'est pas une économie "ni de droite ni de gauche", ou du centre : ). C'est une économie qui part de trois présupposés très différents de ceux de l'économie classique. Ci-dessous un petit film (an anglais mais facile à comprendre).

  1. la nature humaine est bonne et altruiste (le contraire donc de l'idée selon laquelle chacun poursuit son propre bien)
  2. les humains sont interconnectés entre eux
  3. ils sont connectés à la nature (et ils ne dominent pas la nature)

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Avec ce schéma de pensée en tête, les "Buddhist economics" identifient deux préoccupations économiques majeures:

  1. la montée des inégalités, à laquelle personne n'est insensible, du fait de son altruisme et de nos interconnections
  2. la destruction de la nature, qui elle non plus ne peut nous laisser indifférent

Buddhist economics, la solution?

Cette approche bouddhiste de l'économie conduit à des changements systémiques et individuels.

Le changement systémique est dans la façon de concevoir la richesse. Pour le moment, c'est le PIB qui domine, c'est à dire la mesure de la production. Les moyens de production, c'est à dire le travail humain, sa qualité, le bien être ou le mal être qu'il apporte, tout cela n'est pas pris en considération dans la mesure du PIB. La quantité de nature incorporée dans la production, et sa capacité à se renouveler sont également secondaires.

Actuellement, plus il y a de production mieux c'est, puisque plus il y a de PIB plus un pays est censé bien se porter. Or dans le Bouddhisme, il y a l'idée que, au contraire, la voie, c'est d'atteindre une satisfaction très grande avec des moyens très limités. Les "Buddhist economics" considèrent donc qu'on peut atteindre un bien être très élevé, avec un minimum de consommation.

  • cela donne à la richesse matérielle moins d'importance, ce qui a son intérêt quand cette richesse est si mal partagée
  • cela oblige à revoir la consommation des biens non renouvelables de la planète, ce qui induit à l'avènement d'une économie dé-carbonée, dont on sait qu'elle pourrait aider à ne pas trop réchauffer la planète.

Pas de privation sur le plan individuel

En revanche, les Buddhist economics ne conduisent pas à une vie de privation, telle qu'on imagine que Bouddha l'a vécu. Comme l'écrit E. F. Schumacher, dans Buddhist Economics.

Alors que le matérialiste est surtout intéressé par les biens, le Bouddhiste cherche la libération. Mais le Bouddhisme est la Voie du Milieu, et il n'y a pas du coup un antagonisme entre le bien-être physique. Ce n'est pas de la richesse qu'il faut se libérer, mais de l'attachement à la richesse; pas du plaisir des choses, mais leur quête absolue.

While the materialist is mainly interested in goods, the Buddhist is mainly interested in liberation. But Buddhism is "The Middle Way" and therefore in no way antagonistic to physical well-being. It is not wealth that stands in the way of liberation but the attachment to wealth; not the enjoyment of pleasurable things but the craving for them.

S'il suivait les principes bouddhistes ou du moins s'il imaginait qu'ils sont en lui (je ne fais pas de prosélitisme), chacun de nous devrait se sentir davantage responsable de ses actes, et faire attention à ne prendre qu'une part équitable des ressources de la terre. Comme le décrit cet article (en anglais), le projet c'est la priorité donnée aux hommes sur les produits, et à la créativité sur la consommation. Tout un programme.

Marie Viennot

L'équipe