UE et € : le plan B de Mélenchon et au delà

Actuellement député européen, Jean-Luc Mélenchon ne prône pas un FREXIT mais il assume que cela puisse être une conséquence si son plan A ne marche pas
Actuellement député européen, Jean-Luc Mélenchon ne prône pas un FREXIT mais il assume que cela puisse être une conséquence si son plan A ne marche pas ©Maxppp - Alexandre MARCHI
Actuellement député européen, Jean-Luc Mélenchon ne prône pas un FREXIT mais il assume que cela puisse être une conséquence si son plan A ne marche pas ©Maxppp - Alexandre MARCHI
Actuellement député européen, Jean-Luc Mélenchon ne prône pas un FREXIT mais il assume que cela puisse être une conséquence si son plan A ne marche pas ©Maxppp - Alexandre MARCHI
Publicité

Selon le candidat du Parti de Gauche, le bilan économique de l'euro est désastreux. Il propose de refonder l'Union Européenne, revoir les statuts de la BCE, et si ça ne marche pas, il a un plan B... puis un plan C pour récréer une UE différente. Comment ça marche? Quelles implications?

Comme je l'ai fait pour François Fillon et Benoit Hamon, je poursuis cette thématique, qui traverse tous les partis puisque tous disent vouloir refonder l'Union Européenne et la zone euro. Après, chacun a sa méthode.

NB: ce billet est une version très augmentée du billet diffusé ce matin (qui est limité en temps). A lire donc, après avoir écouté :)

Publicité

Hier sur France 2 Jean Luc Mélenchon a assumé pouvoir faire voler en éclat l'Union Européenne. En revanche FREXIT, attention ce mot est en train d'émerger sourdement, n'est pas une promesse de campagne mais cela peut être une conséquence. Voir ici la résolution du parti de Gauche sur l'euro en 2011 qui en parle longuement.

La monnaie unique est aujourd’hui devenue insoutenable avec des politiques et des institutions néolibérales ! Mais cette impasse a deux issues et non pas une seule. On peut faire sauter soit la monnaie unique, soit les politiques néolibérales, soit l’euro, soit l’eurolibéralisme.

La France n'est pas la Grèce, c'est la deuxième économie de l'UE, mais clairement le parti de gauche a tiré les leçons de l'échec de Syriza. Il a donc un plan A, un plan B, et au delà, ça c'est moi qui l'ajoute, un plan C. L'idée de fond, c'est que rien n'est infaisable et qu'une Autre Europe est possible. Il suffit de le décider et de forcer un peu nos partenaires au besoin.

Le PLAN A

Le plan A, c'est de négocier avec nos partenaires pour changer l'UE et les statuts de la banque centrale européenne avec plusieurs idées majeures en tête.

  • la fin de la guerre fiscale
  • la convergence des modèles sociaux
  • la fin des contraintes budgétaires
  • la possibilité pour la BCE de pouvoir prêter directement aux Etats (au lieu de passer par le biais du rachat des dettes sur le marché secondaires (QE) ce qui revient au même mais laisse la fixation des taux d'intérêt aux marchés financiers).

Mais au préalable, et c'est là qu'il y a une vraie différence avec Benoit Hamon, Jean Luc Mélenchon s'affranchit des règles de l'UE en invoquant le "compromis de Luxembourg" qui avait été mis au point dans les années 60 au moment où le général de Gaulle a pratiqué la politique de la chaise vide. Ce compromis du Luxembourg n'est pas une clause du traité, mais une déclaration qui dit en gros que "quand un pays estime que ses intérêts vitaux sont menacés, on peut repousser les décisions en attendant un arrangement". Cela met l'Union Européenne sur pause.

Dans les heures qui suivent l'élection, il y a aurait eu aussi, c'est important, un blocage des capitaux, pour éviter leur fuite et la panique financière. C'est dans ces conditions que la négociation se passe.

Le Plan B

Si ça ne marche pas, Plan B, mais d'abord, référendum pour soumettre l'éventuel accord aux Français, comme Jean Luc Mélenchon l'a dit hier sur France 2.

Pour afficher ce contenu Twitter, vous devez accepter les cookies Réseaux Sociaux.

Ces cookies permettent de partager ou réagir directement sur les réseaux sociaux auxquels vous êtes connectés ou d'intégrer du contenu initialement posté sur ces réseaux sociaux. Ils permettent aussi aux réseaux sociaux d'utiliser vos visites sur nos sites et applications à des fins de personnalisation et de ciblage publicitaire.

Comme, il y a des chances qu'il n'y ait pas d'accord, le plan B a toutes les chances d'être mis en oeuvre. Le point le plus important du plan B selon moi, c'est la possibilité redonnée à la Banque de France d'émettre, non pas des francs mais des euros.

Techniquement c'est faisable, car la création monétaire n'est pas à Francfort, mais délocalisée dans chacune des banques de la zone euro, dont la Banque de France. Un tel acte de rébellion pourra être considéré comme un acte de sécession, voire de guerre par nos partenaires.

Quelles représailles possibles?

Ne pas appliquer les clauses des traités dont elle ne veut pas (comme le Parti de Gauche le ferait pour la directive sur les salariés détachés, et la libéralisation des services publics) expose la France à une condamnation auprès de la Cour de Justice Européenne. Des sanctions financières pourraient être imposées. Et si on ne paie pas, les fonds structurels pourraient être bloqués, voire des crédits à nos agriculteurs via la PAC. Tout est envisageable. Mais Jacques Généreux, l'un des économistes qui a contribué au programme de Jean-Luc Mélenchon, m'a dit ne pas trouver cela inquiétant ou bloquant.

Nous pouvons ne pas payer les amendes. Et grâce à notre plan d'investissement de 100 milliards, et les dépenses supplémentaires du budget, les effets récessifs négatifs de ces représailles pourront être annulés (NDLR, et financés donc, par la création monétaire rendue possible au préalable). Les agences de notation pourraient même voir d'un bon œil notre programme, veut croire Jacques Généreux, car il va faire repartir la croissance et donc améliorer nos chances de rembourser notre dette à terme.

L"un des risques majeur difficile à estimer, c'est un blocage de toute relation financière et donc commerciale avec les autres pays de la zone euro, via, attention ça va faire mal à la tête TARGET 2. Target 2 est le système de paiement de l’euro-système. Concrètement. Imaginons une entreprise française qui achète un produit à un exportateur allemand disons pour 100 000 euros. Pour que le paiement ait lieu effectivement, il faut que la Bundesbank prête 100 000 euros à la Banque de France. Selon Eric Dor, Directeur des Etudes Economiques à IESEG School of Management et observateur scrupuleux de ces questions monétaires:

Je vois difficilement la Bundesbank accepter que la France imprime ses propres euros sans rien faire. S'affranchir des règles monétaires de l'Union Economique et Monétaire risque de bloquer les échanges financiers de la France avec ses voisins, et au final cela revient à faire exploser la zone euro.

Autre difficulté pour l'application de ce programme, selon Eric Dor, la France a une dette extérieure nette vis à vis de l’extérieur qui atteint 41% de son PIB. Cela veut dire que la France emprunte 41% de son PIB à étranger pour financer sa dette publique, et celle des agents privés. Cela nous rend donc dépendant de l'extérieur, et en risque de crise de balance des paiement.

Explosion des taux d'intérêt?

Lors des cinq heures de vidéo ci-dessous pendant lesquelles Jean-Luc Mélenchon a détaillé son programme économique, les journalistes invités à critiquer son programme, ont longuement insisté sur ce risque, de voir les taux d'intérêts (auxquels la France emprunte) exploser.

Le fait que la Banque de France puisse imprimer ses euros et financer directement les besoins financiers de l'Etat français change cette donne, mais cela revient à faire financer nos besoins par la planche à billet. Le risque, c'est l'inflation incontrôlée que cette création monétaire pourrait créer. Mais à cet argument Jacques Généreux répond:

Actuellement la BCE créée aussi de la monnaie via sa politique de Quantitative easing, et de fait, cela ne fait pas bondir l'inflation.

Ce risque d'inflation existe bel et bien, certains pays s'y sont cassés les dents (le Venezuela étant le cas le plus édifiant). Ce risque d'inflation est d'autant plus fort qu'un EURO/Franc serait sans doute dévalué par rapport au cours de l'Euro, ce qui renchérirait les prix de tous les produits d'importations. "Très bien, m'a répondu Jacques Généreux, cela relancera la production locale". Possible, mais ce sera sur le long terme, car en des décennies de construction économique européenne et de mondialisation, les chaines de valeurs des produits ont été éclaté dans le monde entier.

Pour afficher ce contenu Youtube, vous devez accepter les cookies Publicité.

Ces cookies permettent à nos partenaires de vous proposer des publicités et des contenus personnalisés en fonction de votre navigation, de votre profil et de vos centres d'intérêt.

Le plan C

Tous ses risques sont assumés par le parti de gauche, qui espère au final qu'il sera ensuite possible de fonder une nouvelle Europe autour de la France, avec les pays européens qui le voudront. Ça c'est le PLAN C (que n'a pas le Front National bien sûr).

Utopiste? Illusoire? Irréaliste? Le credo du programme de Jean-Luc Mélenchon, c'est que rien n'est infaisable, et qu'en l'état l'Union Européenne et la zone euro sont de toutes façons condamnées si on poursuit dans la même voie. Après tout, il y a déjà eu une union monétaire avec l'Italie la Belgique et la Suisse à la fin du 19 ème siècle qui n'a pas marché et que l'on a enterré. Mais il faut dire haut et fort que cette transition va secouer.

5-10-15 ans? qui sait combien de temps cela va durer? Passer d'une Europe à l'autre ne sera pas un long fleuve tranquille, surtout pour ceux qui ont peu de revenu et peu de capital. Le nouveau pouvoir devra savoir jeter les bonnes bouées aux bons endroits.

Marie Viennot