La Grèce en est à son troisième plan de sauvetage, mais elle n'est toujours pas tirée d'affaire. Un document du FMI met en garde contre la dynamique explosive de la dette grecque. Les élections aux Pays Bas, France et Allemagne compliquent la donne. Vers une nouvelle crise grecque cet été?
Le sujet a disparu des radars médiatiques, car la Grèce n'est pas en ce moment en risque de défaut.
Contrairement à l'été 2015, quand le Grexit menaçait, l'Etat grec n'a pas en ce moment de grosses échéances à rembourser à ses créanciers. Pour une explication en profondeur des origines de la dette grecque, je vous recommande (en toute partialité, puisque je l'ai écrit :) cet article: Tout comprendre sur la dette grecque en 6 étapes.
Pour autant, ses créanciers ne l'ont pas oublié. Le dossier grec est régulièrement à l'agenda des réunions de l'Eurogroupe, les ministres des finances de la zone euro, et croyez le ou non, le troisième plan d'aide qui a été décidé au plus fort de la crise il y a un an et demi, n'est toujours pas finalisé.
Des versements ont bien eu lieu, mais le FMI n'est toujours pas officiellement partie prenante de ce troisième plan et plus le temps passe, plus il multiplie les signaux d'alerte sur le mode: "La Grèce ne s'en sortira jamais si une partie de sa dette n'est pas annulée, et dans ces conditions, le fonds monétaire ne peut être l'un de ses créanciers".
Cela fait un petit moment qu'il joue cette partition. Voir ici un précédent billet: Tsipras, FMI, UE et Brexit sont dans un bateau Et cette semaine rebelotte. Dans un document confidentiel qui a opportunément fuité auprès du Financial Times le fond monétaire écrit:
"Malgré ses réformes ambitieuses, la Grèce ne peut pas résoudre le problème de sa dette".
Et de chiffrer, ce que le FMI nomme la "dynamique explosive "de la dette grecque: au premier plan de sauvetage.
- en 2010, le rapport dette sur PIB était autour de 140%,
- aujourd'hui, on en est autour de 180% (malgré une annulation partielle de cette dette en 2012),
- et le FMI, qui voit loin, anticipe qu'à partir de 2022, cela va s'emballer encore, jusqu'à atteindre les 275% du PIB en 2060.
Voilà qui est highly unsustainable... hautement insoutenable, pour traduire littéralement.
Le FMI risque de laisser les européens à leur sort...
Cette semaine est cruciale car c'est lundi prochain, 6 février que le fonds doit en théorie dire aux Européens s'il fait partie du troisième plan d'aide à la Grèce ou s'il renonce.
J'écris plan d'aide mais c'est un abus de language, car rien pour le moment n'est donné à la Grèce, il ne s'agit que de prêts. Prêts qui sont censés être remboursés. Et c'est là qu'il y a une divergence de vue entre le fonds monétaire et les Européens. Les Européens assurent, ou font comme si, les prévisions de recettes, d'excédents budgétaires et donc de remboursement se passeront comme prévus, alors que le FMI trouve tous ces calculs irréalistes...
Ce n'est pas leurs calculettes qui sont différentes, c'est l'angle de vue.
Le FMI a une approche purement financière. Serais-je remboursé ou pas? c'est la seule question qui l'intéresse.
Alors que pour les Européens, la contrainte politique est plus forte. Ils doivent tenir compte des échéances électorales qui se profilent, et elles sont nombreuses dans les mois qui viennent. Pays Bas, France, Allemagne. Pour ces pays, ce n'est pas le moment de parler sérieusement d'une renégociation de la dette grecque car cela reviendrait à transformer une partie des prêts consentis en dons, et cela ne serait pas forcément populaire, pensent-ils, surtout les Allemands.
Pour autant, les Allemands menacent de remettre en cause le troisième plan "d'aide" si le FMI ne le rejoint pas et de suspendre les tranches de prêts à la Grèce. Or cet été finie l'accalmie, la Grèce a plusieurs milliards d'euros à rembourser à la BCE et divers créanciers privés... ta dan dan... voilà le feuilleton de l'été en train de s'écrire.
Solution FMI: légiférer trois ans à l'avance
Alors que faire? Figurez vous que le FMI a imaginé une solution. Il a demandé à la Grèce de prévoir dès aujourd'hui des mesures financières qui s'appliqueront en 2019, dans le cas où les objectifs ne seraient pas atteints. Légiférez 3 ans avant en gros, c'est sa demande. Le ministre des finances grec, Euclide Tskalotos a refusé pour le moment, en disant que cet engagement serait anti-démocratique, puisqu'il y a des élections entre temps.
On en est là. Berceau de la démocratie, comme on dit, la Grèce n'en finit pas d'en tester les limites.
Marie Viennot
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