USA 4: Les dessous (peu chics) du plein emploi

Manifestation devant le Capitole pour un smic à 15$/h (nov 2015)
Manifestation devant le Capitole pour un smic à 15$/h (nov 2015) ©Maxppp - Shawn Thew
Manifestation devant le Capitole pour un smic à 15$/h (nov 2015) ©Maxppp - Shawn Thew
Manifestation devant le Capitole pour un smic à 15$/h (nov 2015) ©Maxppp - Shawn Thew
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Avec 5% de chômeurs, l'économie américaine a officiellement atteint le plein emploi. Effacés, soit disant, les effets de la Grande Récession de 2009. Sauf que les emplois créés sont peu payés, et que beaucoup d'Américains sont sortis des statistiques: découragés, ou dans la "gig economy".

Les statistiques officielles font état d'un taux de chômage de 5% aux Etats Unis, ce qui est considéré comme le taux de chômage frictionnel par les économistes. Après la crise de 2008, les Etats Unis ont connu une seule année de récession en 2009, cette période est d'ailleurs appelée "the Great Recession", la grande récession avec un grand G et un grand R. Le taux de chômage était monté à 10%, et depuis il ne fait que baisser.

Si vous écoutez le billet économique, vous embarquerez avec moi dans un bus qui transporte (gratuitement) les étudiants sur le campus de la North Carolina State University, l'université de Caroline du Nord, à Raleigh.

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Nous sommes avec Paul, le conducteur. Il raconte que les jours de repos, il a un autre travail, comme chauffeur de taxi. La veille de notre rencontre, il a, me dit-il, travaillé de 8h à 22h avec une pause d'une heure. C'était son jour de repos. Même chose les week-ends. Au final il travaille 70 heures par semaine, et finit en disant, que son ancien boulot lui manque, car au moins il pouvait écouter la radio, puis éclate de rire.

Paul 35 ans, 70h de travail /semaines

Avant la crise, Paul était livreur. Il a été licencié en 2009, et a retrouvé ce travail de chauffeur de bus en novembre 2015. Il gagne 10 dollars de l'heure. Pas assez pour nourrir ses 4 enfants, et couvrir les 35 000 dollars de dette qu'il a accumulé sur sa carte de crédit pendant qu'il était au chômage. Sa femme aussi a deux boulots. C'est l'un des revers de cette reprise américaine, elle crée surtout des emplois mal payés. On appelle ça "ultra-low wages". En Caroline du Nord, une étude montre que 60% des nouveaux emplois depuis 2009 ne permettent pas de dépasser le seuil de pauvreté, même si on travaille à plein temps.

29 Etats sont au delà (Californie, New York, Washington D.C etc...) mais le plancher du salaire minimum établi au niveau fédéral est de 7.25 dollars par heure, 6 euros 30. Pour avoir la même valeur qu'en 1960, il devrait être à 17 dollars 50 affirme l'étude sur la Caroline du Nord pré-citée. L'augmentation du salaire minimum est d'ailleurs un des débats saillant de la campagne.

Bernie Sanders et Donald Trump ne croient pas au plein emploi

Ils affirment tous les deux dans leurs discours que le plein emploi est un leurre. Donald Trump a même dit qu'il atteignait en vérité 20%.

Comme souvent il exagère, mais si on ajoute aux 8 millions d'Américains sans travail, les 6 millions à temps partiel subi, et les 1.7 millions qui sont sortis des statistiques parce qu'ils n'ont pas recherché activement un travail sur les 4 dernières semaines, on atteint un taux de chômage de 10%. D'ailleurs Barack Obama ne fanfaronne pas à ce sujet, et parle très rarement de plein emploi pour défendre son bilan.

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Le taux de 5% cache de grandes disparités. Le taux est double pour les "afro-américain", et un quart des 8 millions de chômeurs sont des chômeurs de longue durée. La participation des Américains au marché du travail n'a jamais été aussi faible, et les journaux consacrent régulièrement des articles à ce sujet. Voir ici, un article du Wall Street Journal avec de très nombreux graphiques sur ces 92 millions d'Américains qui ne sont pas dans la population active.

Une transformation radicale du marché du travail

Sous la baisse du chômage, se cache aussi une profonde transformation du marché du travail. Selon une étude menée par Lawrence Katz, chercheur à Harvard, et Alan Krueger, chercheur à Princeton, (vous trouverez ici un article résumé et l'étude complète) il y a 400 000 salariés de moins depuis 2009.

"Employment in traditional jobs (standard employment arrangements) actually slightly declined by 0.4 million (0.3%) from 126.2 million in February 2005 to 125.8 million in November 2015". Le travail salarié a baissé de 0.4 million (0.3%), passant de 126.2 millions en février 2005 à 125.8 millions en novembre 2015.

Cette étude considère qu'il y a 9 millions de "self-employed", autoentrepreneurs, en plus depuis la crise de 2009. Aux Etats Unis, on appelle cela, la GIG economy, GIG voulant dire concert. Dans ce cas,  rien à voir avec la musique, ou les nouvelles technologies, ce sont essentiellement des emplois dans le ménage, les cafés-restaurant et la sécurité. A la clef une flexibilité maximale.

Oui, il y a du travail aux Etats Unis, mais depuis la crise la classe moyenne s'est appauvrie. C'est un phénomène mondial, et c'est même Bloomberg, l'agence de presse financière qui le dit dans un article intitulé "Why voters will stay angry", "Pourquoi les électeurs vont rester en colère".

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