Ce qui s'est passé hier est absolument inédit sous la Vème République. Les aveux d'abord : Cahuzac n'a pas attendu un procès ou une garde à vue, il se livre à des aveux publics, circonstanciés, clairs et nets, pas du tout alambiqués. Une netteté à l'image du Jérôme Cahuzac qui tenait des heures entières sans notes en commission des Finances d'abord comme député puis comme ministre. Il bat sa coulpe, à l'américaine, à la Bill Clinton ou Lance Armstrong : "je demande pardon", "lutte intérieure taraudante", "je suis dévasté par le remords". Il y a là une posture presque religieuse, mystique. Autres mots, tout aussi absolus dans les heures qui ont suivi, ceux des amis politiques du mis en examen : "faute morale impardonnable" (François Hollande), "il a menti et trahi" (Jean-Marc Ayrault), "il devrait définitivement quitter la vie politique" (Aurélie Filipetti). C'est Cahuzac le paria. La ministre de la Famille Dominique Bertinotti (collaboratrice de François Mitterrand quand avait été révélée la francisque et la double-vie du président socialiste) introduit un peu de nuance et "ne veut ni louer ni accabler". Les socialistes sont bien plus virulents avec Cahuzac qu'avec Dominique Strauss-Kahn au lendemain de son arrestation à New York, plus sévères qu'avec Jean-Noël Guérini ou Jean-Pierre Kucheida.
Pourquoi cette sévérité absolue, ces jugements définitifs ? Parce que Cahuzac a avoué, parce qu'il a "trahi" un autre absolu, celui de la Répulique "exemplaire". L'exécutif semblait impuissant face à la crise, face au chômage et aux déficits, il restait la morale et la confiance que Jérôme Cahuzac n'a pas honorées. Voilà galvaudées la déclaration de patrimoine et la charte éthique des ministres au moment de leur nomination, ce texte où ils s'engageaient à rétrocéder à l'Etat tout cadeau de plus de 150 euros reçus dans le cadre de leurs fonctions. Quand on relit cette charte, elle a un côté serment de boy scout. La façon dont les socialistes lâchent Jérôme Cahuzac ressemble à un cordon sanitaire, une bulle pour protéger et préserver François Hollande et Jean-Marc Ayrault. Que savaient le président et le premier-ministre ou plutôt quand ont-ils su ?
C'est aussi la question que pose Edwy Plenel… On savait avec Arnaud Montebourg que les ministres pouvaient insulter un chef de gouvernement sans se faire débarquer, on sait depuis hier qu'ils peuvent lui mentir et le trahir... Ce matin la situation politique en France est Absolument dramatique.
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