Mauroy : la gloire posthume après le mépris

France Culture
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Ce matin, pour nous distraire un peu, je vous propose de jouer aux devinettes. Qui s’adressait ainsi au Premier ministre, et de quel Premier Ministre s’agissait-il ? : « L'opposition a le devoir de dénoncer la politique catastrophique que vous conduisez depuis un an. La frénésie avec laquelle votre gouvernement s'est attaché, sans préparation sérieuse, à bouleverser notre société ... a eu pour effet de déstabiliser les rouages de notre économie »…

Qui continuait encore, à la tribune de l’Assemblée national, impitoyablement : « Malgré la création d’emplois publics improductifs Le chômage ne cesse d'augmenter. Nous voici, grâce à votre incompétence, les derniers de la classe ! Votre gouvernement n'est pas capable de gérer les affaires de la France».

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Le réquisitoire se poursuivait sur le même ton :

« Vous avez, par un accident de l'histoire et sans préparation, pris le pouvoir d'une grande nation qui était sortie de l'archaïsme et vous voici à la remorque de puissances étrangères » .

Enfin l’orateur s’en prenait au Président de la République : *C'est tellement facile de prétendre que c'est l'héritage! Vous allez peut-être faire référence à cet héritage pendant sept ans, mais, vous, vous ne durerez pas autant ! *

Ce pouvoir dura quatorze ans, et ce discours fut prononcé par le député RPR Georges Tranchant, le 10 juillet 1982. Il s’adressait à Pierre Mauroy l’homme dont la sagesse et le sens de l’Etat sont célébrés par la gauche, ce qui est naturel, mais aussi par la droite, en des termes aussi émus, et aussi élogieux.

Pourtant qu’est ce qu’il a dégusté, l’ancien maire de Lille, quand il est devenu Premier Ministre. « Gros Quinquin », comme on le surnommait affectueusement, ou le « Rougeau de Lille », comme on l’appelait moins gentiment, a subi un violent procès en incompétence à partir de 1982. Il n’était pas à la hauteur, disait l’opposition ou le CNPF, ancêtre du Medef, mais aussi une certaine partie de la gauche intellectuelle, il était désuet avec son éloquence de comices agricoles, il n’y comprenait rien en économie, il illustrait l’amateurisme de la gauche arrivée au pouvoir par effraction…

En ces temps délicieux, le journal le Quotidien de Paris mit un matin deux mots sur sa Une, et seulement deux, à l’occasion de l’examen d’une loi sur la presse. Un article et un nom commun : « La… Saloperie ».

Aujourd’hui Pierre Mauroy fait donc l’unanimité ce qui peut donner de l’espoir à Jean-Marc Ayrault. Les supporters de la gauche se diront que décidément les seuls bons socialistes sont les socialistes morts, les amoureux de Brassens que « les morts sont tous de braves types », et les politologues que les années 2012-2013 sont le bégaiement des années 81.