A la recherche du "macronisme 3.0"

Désaffiliation politique entre Jean-Yves Le Drian (à droite) et Loïg Chesnais-Girard (à gauche). Ce dernier, président de la région Bretagne, a refusé l'étiquette "La République en marche" pour les régionales.
Désaffiliation politique entre Jean-Yves Le Drian (à droite) et Loïg Chesnais-Girard (à gauche). Ce dernier, président de la région Bretagne, a refusé l'étiquette "La République en marche" pour les régionales. ©AFP - Jean-François Monier
Désaffiliation politique entre Jean-Yves Le Drian (à droite) et Loïg Chesnais-Girard (à gauche). Ce dernier, président de la région Bretagne, a refusé l'étiquette "La République en marche" pour les régionales. ©AFP - Jean-François Monier
Désaffiliation politique entre Jean-Yves Le Drian (à droite) et Loïg Chesnais-Girard (à gauche). Ce dernier, président de la région Bretagne, a refusé l'étiquette "La République en marche" pour les régionales. ©AFP - Jean-François Monier
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A trois mois des élections régionales, la République en marche peine à attirer vers elle de nouveaux élus.

Connaissez-vous Loïg Chesnais-Girard ? Peut-être pas. Sans doute pas, même… Il est le président de la région Bretagne, et il reconnaît lui-même que sa notoriété n’a rien de comparable avec celle de son mentor, son prédécesseur Jean-Yves Le Drian.

Le Drian, actuel ministre des Affaires étrangères, a longtemps été un pilier du Parti socialiste, avant de rallier le macronisme. 

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Entre les deux hommes, Le Drian et Chesnais-Girard, trente ans d’écart et un rapport quasi-filial, le second ayant été adoubé par le premier pour lui succéder à la tête de la Bretagne. 

Mais les élections régionales qui arrivent, au mois de juin, ont fait exploser cette filiation politique. 

Contrairement à Jean-Yves Le Drian, devenu macroniste convaincu et sans remords, son successeur lui reste attaché au Parti socialiste - outrage suprême : il envisage même de s’allier aux Verts. Les Verts, honnis par le même Le Drian.

Alors que relate cette histoire ? Pas seulement des chicaneries locales ou des généalogies contrariées. 

Elle raconte aussi comment le mouvement d’Emmanuel Macron peine à attirer un nouveau cercle d’élus.

Sédimentation

Revenons-en aux origines. En 2016-2017, il y a le premier cercle, ce qu’on pourrait appeler le “macronisme 1.0” : les fidèles, les audacieux, celles et ceux qui font le pari de ce trentenaire jamais élu, contre tous les théorèmes de la politique.

Il y a ensuite 2017, la victoire, les nouveaux amis, celles et ceux qui sont attirés par le parfum du succès et/ou le projet d’Emmanuel Macron. On peut appeler ça le “macronisme 2.0”. Des figures de la gauche et de la droite qui s’agrègent : Jean-Yves Le Drian, justement, mais aussi Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, puis plus tard Olivier Dussopt, le ministre des comptes publics. 

Cette deuxième couche a permis de solidifier La République en marche, tout en fragilisant les oppositions. 

Et qu’en est-il de la troisième couche ? 

Eh bien justement elle n’existe pas. Le mouvement d’Emmanuel Macron, pour l’heure, a échoué à inventer ce “macronisme 3.0”. 

C’est-à-dire à attirer de nouveaux élus, des cadres intermédiaires des partis, des responsables locaux. 

En Bretagne, le refus de Loïg Chesnais-Girard de porter l’étiquette En Marche en est un exemple, mais pas le seul. 

Le parti présidentiel, par réflexe d’endogamie ou bien par manque d’habileté politique, n’a pas su amener à lui les élus prometteurs, à droite et à gauche. Celles et ceux à qui on peut imaginer un destin national, comme Michaël Delafosse, maire socialiste de Montpellier ; Valérie Rabault, députée PS ou David Lisnard, maire Les Républicains de Cannes. 

Voilà pourtant qui manque au parti d’Emmanuel Macron. 

D’abord parce que l’expérience de terrain n’est jamais superflue. Elle eût sans doute aidé à éviter de déclencher la crise des gilets jaunes.

Mais aussi parce que ce troisième cercle aurait pu former une cuirasse, pour défendre l’action du gouvernement. Faute d’une telle armure, l’exécutif semble devoir être seul et nu pour parer les coups et défendre sa politique. C’est le défaut de s’entourer uniquement de ses vieux amis. 

En 2007, à droite, Patrick Devedjian regrettait la trop grande ouverture de Nicolas Sarkozy à des figures de la gauche, avec ce trait d’esprit un peu boudeur : 

"Je suis pour aller très dans l'ouverture... Y compris jusqu’aux sarkozystes, c’est dire !"

Mais au fil du quinquennat, l’ouverture s’était refermée, les Sarkozystes pur jus avaient repris le pouvoir. 

Et c’est avec une base politique affaiblie et uniforme que Nicolas Sarkozy s’est engagé dans la campagne pour sa réélection en 2012, avec le succès que l’on connaît. 

Frédéric Says

L'équipe