Aéroports de Paris, une bombe à mèche lente

Panneau à proximité de l'aéroport d'Orly
Panneau à proximité de l'aéroport d'Orly ©AFP - Thomas Coex
Panneau à proximité de l'aéroport d'Orly ©AFP - Thomas Coex
Panneau à proximité de l'aéroport d'Orly ©AFP - Thomas Coex
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Cette fois, c'est sûr. Il y aura bien une procédure référendaire sur la privatisation d'Aéroports de Paris. Procédure qui autorise la consultation des Français et qui doit, pour être couronnée de succès, recueillir un peu plus de 4 700 000 signatures.

Le Conseil Constitutionnel avait validé la procédure référendaire la semaine dernière. Mais jusqu'à hier, on se demandait si, finalement, il n'allait pas décidé de l'invalider. 

Parce que les sages devaient aussi se prononcer sur la loi PACTE qui doit permettre à l'exécutif de procéder à la privatisation d'Aéroports de Paris. 

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Et à cette occasion, le gouvernement a fait pression, jusqu'au bout, pour essayer de dégommer la procédure validée la semaine dernière. 

Il a demandé à l'actuel secrétaire général du gouvernement, Marc Guillaume, de faire des recommandations au Conseil Constitutionnel. Ce qu'il a fait à deux reprises. 

Et il disait en substance ceci : 

- Messieurs, si vous validez la loi PACTE qui autorise la privatisation, vous devez annuler le recours que vous avez validé la semaine dernière et qui prévoit d'interdire cette privatisation. Enfin, messieurs, un peu de bon sens ! - 

Il faut savoir que jusqu'en 2015, avant de prendre ses fonctions actuelles, Marc Guillaume était secrétaire général du Conseil Constitutionnel et qu'il y était très influent. Il n'est donc pas complètement innocent d'avoir fait appel à lui. 

Mais les sages ne se sont pas laissés intimider. Ils ont validé la loi PACTE mais ont considéré que le recours déposé par les parlementaires était également valable. Il a été déposé en temps et en heure, nous respectons "le droit et la constitution" a tranché Laurent Fabius, actuel président du Conseil. 

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On va donc bel et bien consulter les Français pour savoir s'ils souhaitent qu'on organise un référendum sur la privatisation d'Aéroports de Paris (cette consultation doit être mise en place d'ici le 15 juin). 

Et cette procédure inquiète beaucoup le gouvernement. 

Déjà parce que la semaine dernière, le ministre de l'économie, Bruno Le Maire, à l'issue de la première décision du Conseil, a déclaré ceci :  

Ce que je dis très simplement, c'est que, pendant que la procédure va courir, il est évident que nous n'allons engager aucune opération de privatisation.

La privatisation d'Aéroports de Paris est donc à ce stade gelée pour au moins 15 mois (le temps de consulter les Français, 9 mois, puis le parlement, 6 mois). 

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Ensuite, il y a encore quelques semaines, au sein de la majorité, sur le Référendum d'Initiative Partagé, on entendait ceci :  

Le Référendum d'Initiative Partagé, malheureusement, cette procédure est complètement verrouillée. Il faut dire la vérité aux Français. Ça ne débouchera jamais sur un référendum. Ça ne débouchera jamais.

Ça, c'était les déclarations de François de Rugy, ministre de la transition énergétique, le 11 avril dernier, sur France Inter. 

Avant hier, la députée La République En Marche de Paris, Olivia Grégoire, dans une interview accordée au journal l'Opinion, était beaucoup moins catégorique :  

- Neuf mois, il faut attendre, et ensuite ce sera six mois pour que la proposition de loi soit inscrite aux agendas du parlement, c'est à dire le Sénat et l'Assemblée. Je précise que ces assemblées ne doivent pas valider la proposition de loi référendaire mais l'examiner. - Ce qui veut dire, clairement, que ce référendum, selon vous, n'aura jamais lieu ? - En toute logique, il y a assez peu de chance. (Mais) vous comprendrez que je ne présage pas de sa finalité à J moins quinze mois.

On commence à entendre poindre le doute au sein de la majorité. Et sans doute à raison. 

Parce que cette procédure référendaire est une bombe à mèche lente et qu'on s’apprête à allumer cette mèche. 

A priori, en temps normal, il n'y aurait aucune chance que cette procédure aille à son terme et qu'in fine, un référendum soit organisé. 

Recueillir 4 700 000 signatures, c'est énorme. La pétition sur la loi travail, il y a deux ans, avait agrégé le soutien d'1 400 000 personnes. C'était déjà beaucoup. L'autre pétition sur le climat, "l'affaire du siècle", a fait 2 000 000 de signatures. Dès lors, 4 700 000, ça parait insurmontable. 

Seulement, beaucoup de choses pourraient concourir à mobiliser les français et à faire en sorte qu'ils s'opposent à la privatisation d'Aéroports de Paris. 

D'abord, il y a le lien direct établi par une grande partie de l'opinion avec la privatisation des autoroutes considérée comme un fiasco. 

Ensuite, les oppositions politiques, de droite comme de gauche, vont se mobiliser pour essayer de faire échec au gouvernement. Elles sont muselées depuis deux ans, voire méprisées par le pouvoir en place. Et pour un grand nombre d'élus communistes, socialistes ou Les Républicains, cette affaire-là pourrait bien sonner l'heure de revanche. Et dans les territoires, les réseaux LR et PS sont encore puissants. 

On pourrait bien voir également un grand nombre de maires se mobiliser à l'approche des élections municipales en 2020. Car il s'agit de conserver Aéroports de Paris dans le giron public. Or pour les maires, la défense des services publics, ça veut dire quelque chose. 

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Enfin, on vient de vivre une contestation inédite avec les "Gilets Jaunes" qui a révélé qu'une importante partie des Français ne se sent plus représentée politiquement. 

Il y a un divorce, une défiance, en train de croître entre le peuple et ses élites. Et le fait de signer cette consultation, d'adhérer à ce processus référendaire, pourrait bien être le moyen, pour beaucoup de Français, de se saisir d'un outil de démocratie directe afin d'exprimer leur frustration et leur colère vis à vis de représentants politiques auxquels ils ne croient plus, en qui ils n'ont plus confiance. 

Ça pourrait être le moyen d'exprimer leur désaveu vis à vis de la classe politique et plus particulièrement vis à vis de celui qui en est l'incarnation : le président de la République. 

Autrement dit, cette affaire-là pourrait très vite devenir : "on va faire un référendum pour ou contre Macron". 

On a donc là une bombe à mèche lente dont on ne sait pas bien quand elle explosera, ni même si elle explosera, et quelles pourraient en être les conséquences.

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