

Le Front national deviendra, avec l'aval des militants, le "Rassemblement national". Mais le discours d'hier fut plus imprégné par les thèmes du "Front" que par ceux du "Rassemblement".
Que se passe-t-il quand un parti qui défend l’identité... se dépossède lui-même de sa propre identité ? Au FN, le changement de nom est une déchirure pour une partie des militants. Seule une courte majorité (52%) en a d'ailleurs approuvé le principe.
Marine Le Pen a bien senti cette crispation, cette réticence. Dans son discours, avant d’annoncer le nouveau nom de sa formation, elle a donc multiplié les précautions oratoires. Première étape :
"Je veux le dire tout de suite : il n'est pas dans mes intentions de vous proposer le changement de notre emblème : la flamme"
Ouf, tout n’est donc pas foutu, pouvait se dire le militant FN. Tout fout le camp, sauf la flamme. La présidente du parti a continué avec la calinothérapie. Étape 2 :
"Le nom doit porter un message politique... Le mot "National" me semble devoir y figurer impérativement !"
Applaudissements nourris. Le mot national est maintenu, la flamme aussi. Entre les lignes Marine Le Pen promeut le changement dans la continuité, si cette formule giscardienne est ici permise.
Le grand perdant, le grand déchu, c’est le mot "Front", trop brutal, trop clivant. Le Front, explique Marine Le Pen, cela convient à un parti contestataire, à la rigueur à un parti d’opposition, mais pas à un parti de gouvernement.
Insécurités
Pourtant, le discours d’hier, dans la tonalité, dans les thèmes abordés, n’était pas vraiment marqué du sceau du renouveau.
A huit reprises, Marine Le Pen a cité les "insécurités" qui menacent les Français : "insécurité patrimoniale", "insécurité du pouvoir d'achat", "insécurité physique", "insécurité économique", "insécurité juridique", "insécurité culturelle", "insécurité numérique". Une longue liste de dangers contre lesquels il faut faire « front ». En revanche, quasiment pas de propositions autour desquelles se rassembler.
Le discours d'hier fut donc celui du Front et pas (encore ?) celui du Rassemblement.
Marine Le Pen a aussi disserté sur le nom d’un autre parti politique…
"En Marche". On peut voir derrière cette appellation choisie par Emmanuel Macron l’idée du mouvement, de l’initiative… Ce n'est pas le cas de Marine Le Pen, qui y décèle l’incarnation de ce qu’elle appelle le mondialisme et le nomadisme :
"Être un marcheur, c'est être un nomade. (...) Le nom même du mouvement de monsieur Macron, "En Marche", témoigne de cette appétence, non pour le voyage, mais pour l'errance."
Une démonstration qui a occupé toute la première partie du discours. Il est en revanche curieux que Marine Le Pen, visiblement portée sur l’analyse sémantique, n’ait pas consacré plus de temps à la généalogie du nouveau nom de son parti, « Rassemblement national ». C'était le nom de la plateforme législative en 1986 d’un certain Jean-Marie Le Pen. Le "Rassemblement national populaire" fut aussi, en 1941, le nom d’un mouvement de sinistre mémoire :
Marine Le Pen peut-elle n’avoir pas vu ce fâcheux précédent ? L’exégèse sémantico-historique du nom des partis expose forcément à un retour de flamme...
Frédéric Says
L'équipe
- Production