Ce que nous dit la condamnation de Nicolas Sarkozy

Nicolas Sarkozy a interjeté appel. Il est "déterminé", selon son avocate, Me Jacqueline Laffont.
Nicolas Sarkozy a interjeté appel. Il est "déterminé", selon son avocate, Me Jacqueline Laffont.  ©AFP -  Anne-Christine Poujoulat
Nicolas Sarkozy a interjeté appel. Il est "déterminé", selon son avocate, Me Jacqueline Laffont. ©AFP - Anne-Christine Poujoulat
Nicolas Sarkozy a interjeté appel. Il est "déterminé", selon son avocate, Me Jacqueline Laffont. ©AFP - Anne-Christine Poujoulat
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L'ancien chef de l'Etat a été condamné hier à trois ans de prison, dont un an ferme, pour corruption et trafic d'influence.

Le plus étonnant, c’est qu’il n’y a pas d’étonnement. Depuis des années, Nicolas Sarkozy est mêlé à des affaires diverses, pour lesquelles il a été mis en examen ; ou a bénéficié de non-lieu ; ou a donc été condamné en première instance, comme hier.

Tout cela a progressivement habitué nos rétines à voir un ex-président présenté à des juges ou à des policiers. Tout cela a accoutumé nos oreilles à entendre un ancien chef de l’Etat se défendre d’accusations lourdes devant la presse ("quelle indignité").

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Comme si tout cela, au fond, était banal. 

Pour prendre la mesure de l’événement, il faut se tourner vers la presse étrangère. Qui en a fait ses gros titres, sur tous les continents.

Et c’est comme si l’on se réveillait : mais oui, c’est bien l’ancien plus haut personnage de l’Etat, garant de l’indépendance de la justice, qui est condamné par elle à de la prison ferme, pour corruption. 

Quelles sont les conséquences politiques de ce jugement ? 

Il brise le mythe qu’ont tenté de bâtir les proches de Nicolas Sarkozy depuis des années. 

Le storytelling, comme disent les communicants, n’a pas varié. 

Quel est-il, ce storytelling ? Que l’ancien président est blanc comme neige. Les poursuites judiciaires à son encontre sont le fait de juges rouges, soutenus par une presse partisane et vengeresse, appuyés sur des témoignages mensongers d’intermédiaires cyniques. Je résume à gros traits. 

Brice Hortefeux, le plus proche ami de Nicolas Sarkozy, résume souvent l’histoire ainsi devant les journalistes : non seulement, Nicolas Sarkozy est honnête par conviction, dit-il, mais aussi par intérêt électoral. Il tient trop à son destin politique pour risquer l’accident de parcours lié aux affaires louches. S’il est soupçonné, c’est donc qu’il est victime d’une manœuvre (voire d’un complot ?) 

Mais avec cette condamnation en première instance, ce narratif est fragilisé, pour dire le moins. 

Sauf à prétendre que le complot englobe à la fois les juges d’instruction chargés de l’enquête, les témoins mais aussi les magistrats qui ont rendu hier leur décision. Ce qui commence à faire beaucoup de monde. Sans oublier les autres affaires dans lesquelles Nicolas Sarkozy est toujours mis en examen, ce qui signifie l’existence d’indices graves et concordants.

Et sur la scène partisane ?

Hier soir, les réactions politiques ont tourné au festival. 

Palme de la dramatisation pour Christian Jacob, le patron du parti Les Républicains : 

Il évoque un “acharnement judiciaire" et soupçonne un "manque d’indépendance du parquet national financier”. 

La sénatrice LR Sophie Primas remporte le Grand prix de la prétérition, cette figure de style qui consiste à ne pas dire une chose... tout en la disant. 

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Le Prix spécial de l’insinuation pour Jean-Luc Mélenchon, pour cette phrase : 

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La rhétorique d’une "justice aux ordres", déjà développée ces derniers mois par le dirigeant de la France insoumise. 

A qui cette condamnation de Nicolas Sarkozy cause-t-elle le plus préjudice ? 

A lui-même, à la droite et à la République. 

A lui, car cela vient ajouter une ligne infamante à son CV. Même s’il ne passe pas par la case prison, cela vient entacher sa postérité, le vrai graal des politiques. D’ailleurs, au début du procès, face aux juges, il avait fièrement souligné son casier judiciaire vierge. 

Bien sûr, l’ancien président fait appel, et cette condamnation n’est pas définitive. Mais à l’évidence, il sera désormais plus préoccupé par son recours que par son retour. 

La droite, ensuite. Certains hiérarques espéraient secrètement faire appel à Nicolas Sarkozy, faute d’un meilleur ciment au sein d’un parti déboussolé. Cela semble désormais très difficile - au minimum. 

Et enfin un préjudice à la République, bien sûr. Après la condamnation de Jacques Chirac à du sursis pour les emplois fictifs, voici un ex-président sanctionné par de la prison ferme. 

Pas de quoi résorber la méfiance globale des citoyens, documentée il y a peu par le CEVIPOF

Cela dit, on peut aussi voir le verre à moitié plein : que l’homme qui était le plus puissant de France il y a moins de dix ans puisse être condamné à de la prison, c’est le signe d’une République qui ne fonctionne pas si mal que cela. 

Que les plus hauts personnages de l’Etat puissent être poursuivis et condamnés, c’est une rareté, au regard de l’Histoire et de la géographie.  Sans parler de l’effet préventif, de l’effet dissuasif, pour l’avenir. 

Les successeurs de Nicolas Sarkozy sont prévenus : pas d’impunité. Preuve est faite qu'ils peuvent le devenir, eux aussi... des prévenus.

Frédéric Says

L'équipe