Ce que révèle le "covoiturage" entre Benoît Hamon et Yannick Jadot

Les électeurs de la primaire écologiste ont validé à 89% la recherche de convergences avec le Parti socialiste.
Les électeurs de la primaire écologiste ont validé à 89% la recherche de convergences avec le Parti socialiste.  ©AFP - Alain Le Bot
Les électeurs de la primaire écologiste ont validé à 89% la recherche de convergences avec le Parti socialiste. ©AFP - Alain Le Bot
Les électeurs de la primaire écologiste ont validé à 89% la recherche de convergences avec le Parti socialiste. ©AFP - Alain Le Bot
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Pourquoi le rapprochement entre le PS et Europe-Ecologie Les Verts va bien au-delà d'un accord d'appareil.

Benoît Hamon et Yannick Jadot ont décidé de faire un brin de covoiturage sur la route de la présidentielle. Les Verts et le PS veulent converger. Une démarche approuvée hier soir par près de 90% des votants de la primaire écologiste, consultés par internet.

Bien sûr, ce rapprochement Hamon – Jadot ne fait pas la une des journaux, n'occupe pas les grands titres des JT ; l'affaire suscitera au mieux un haussement d'épaules, voire un peu d'ironie cruelle : "quel est donc ce séisme politique à 2% dans les sondages ?" Dit comme ça, vous n'avez pas l'impression que ça va changer votre journée, ni la face du monde. Et vous avez raison.

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Pourtant, cette convergence (qui ouvre la porte à un retrait du candidat écologiste Yannick Jadot), est beaucoup plus signifiante qu'elle en a l'air. Elle ne concerne pas tant le PS ou les Verts, que l'expérience démocratique atypique que nous allons vivre en avril prochain.

D'abord, ce serait la première présidentielle sans écologiste depuis 1969. Le pionnier fut René Dumont en 1974 :

Depuis René Dumont, les candidats écolos ont connu des fortunes électorales diverses, des 5,2 % de Noël Mammère en 2002 aux 1,6% de Dominique Voynet en 2007.

Mais surtout, l'écologie a progressivement imprégné l'ensemble des programmes politiques. Nul candidat, quelle que soit sa place sur l'échiquier, ne peut désormais se présenter sans inclure un volet écologique dans son projet.

Paradoxalement, les Verts sont victimes de leur victoire idéologique : l'écologie a gagné de la place, au moment où les écologistes doivent céder la leur.

Il y a aussi des causes endogènes aux difficultés des écologistes...

C'est un parti qui s'est toujours méfié de l'élection présidentielle, assimilée au césarisme de la Vème République. Depuis 2012, il s'est épuisé en querelles stratégiques, en questions sur son rapport au pouvoir, en scissions douloureuses - politiquement et financièrement. Un parti fatigué qui hésite à se lancer dans cette course d'obstacles : il faut franchir la haie des 500 parrainages, pas simple, celle du financement de la campagne, pas plus facile, d'autant que les frais ne sont remboursés qu'à partir de 5% des voix.

Mais l'éventuelle absence de candidat écolo illustre un phénomène plus global. La difficulté croissante pour les « petits » partis d'accéder à la présidentielle.

Les règles ont été discrètement durcies. Cette année, pour la première fois, la collecte des parrainages de maires est publiée en temps réel par le Conseil constitutionnel, et non après-coup. Ce qui peut favoriser les pressions des grands partis sur les petits maires, qui hésiteront à s'engager. On s'achemine vers une présidentielle à 8 ou 9 candidats au 1er tour (Ils étaient 16 en 2002, édition record).

Certes, dans cette élection, personne n'imaginait Yannick Jadot à l’Élysée en mai prochain. Pas même lui, il l'a confessé. « Pour qu'un écologiste soit élu président de la République, il faudrait que les arbres votent » disait déjà Coluche. Il est vrai aussi que les écologistes ont tout intérêt à un accord avec le PS pour conserver quelques députés aux législatives. Il n'empêche : cette absence éventuelle marque aussi une évolution des mentalités.

Désormais, la présence du Front national au second tour est tenue pour acquise. Dans ce contexte, il reste seulement une place en finale pour un autre parti. La menace FN change les règles du jeu. Elle tend à favoriser les coalitions d'idées dès le premier tour. Fini le temps où l'on pouvait impunément se disperser pour établir un rapport de forces, avant de s'additionner au second tour.

Le retrait probable des écologistes peut s'entendre comme l'une des micro-secousses, quasi imperceptibles, qui précède le grand tremblement de terre d'avril prochain.