

En 2017, les banlieues ont fait barrage au Front National et ont placé beaucoup d'espoir dans ce candidat qu'elle percevait jeune et moderne. Emmanuel Macron, à trop attendre à donner des réponses sur le sujet, risque d'accroître la déception et la défiance.
Emmanuel Macron a toujours avancé avec un discours "pro-business" qui parle aux jeunes des quartiers populaires. Dans une interview aux Echos donnée le jour de l'attentat contre Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, six mois après son entrée au gouvernement, la phrase était passée relativement inaperçue, en tout cas dans un premier temps : "il faut des jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires." Quelques jours plus tard, il s'en expliquait sur Europe 1.
Emmanuel Macron sur Europe 1 le 27 janvier 2015
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Ce discours sur la réussite, cette ode à entrepreneuriat, pour reprendre ses mots, sur les "success-stories", sur l'économie du Net et ses entreprises superstars, lorsqu'il défendait un nouveau venu dans le monde économique, Uber comme une source d'emploi pour les jeunes des quartiers, et aussi le concept de "se faire soi-même", de créer sa propre réussite, mais en d'autres mots, de ne pas attendre de l'Etat.
"Qu'il ne nous abandonne pas et qu'il ne nous oublie pas", disait une habitante de Sarcelles pendant la campagne présidentielle
Emmanuel Macron avait choisi Bobigny, en Seine-Saint-Denis, pour lancer officiellement sa campagne. Un centre de formation et d'apprentissage pour bien affirmer ce qui est selon lui le problème numéro un : l'emploi. Des territoires plombés par le "chômage de masse" disait-il où "il n'y a plus", c'était l'un de ses mantras, "de mobilité géographique".
Quelques semaines avant, alors qu'il n'était pas encore candidat et qu'il venait tout juste de quitter Bercy, il avait déjà choisi ce campus des métiers de Bobigny. Dans son costume anthracite, il regardait déjà en direction des quartiers populaires comme une manne électorale parce qu'ils étaient selon lui parmi les grands déçus du quinquennat Hollande. Et il en jouait, façon pragmatique : "On a fait trop de promesses, parfois aussi trop de concessions. Dans les deux cas, bien souvent par clientélisme". Une de ces formules "dégagistes" pour balayer l'ancien monde.
Revenons un peu plus d'un an en arrière. Replongeons-nous dans l'ambiance de la campagne électorale. Nous sommes dans l'entre-deux-tours et Emmanuel Macron choisit de nouveau la banlieue parisienne, cette fois à Sarcelles dans le Val d'Oise. C'est un reporter de France Culture Antoine Marette qui assiste à cette petite partie de football et ce tir au but sous l'oeil des caméras, le 27 avril 2017.
Emmanuel Macron à Sarcelles le 27 avril 2017
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Un an après, sur la question des banlieues, Emmanuel Macron n'a prononcé qu'un discours à Tourcoing au mois de novembre, promis des réponses pour le mois de février, pour finalement ne les livrer qu'aujourd'hui et on le sait déjà que très partiellement, refusant l'idée d'un énième plan à plusieurs millions d'euros.
Chez cette habitante d'outre-mer née en Guyane, croisée en 2017, il y avait à la fois une fascination pour l'homme et une méfiance pour le politique qu'il incarne. Dans cette ville du Val d'Oise, si Emmanuel Macron avait eu deux fois plus de voix que Marine Le Pen au 1er tour, c'est bien l'abstention qui l'avait emporté devant tous les candidats. Comme la preuve déjà que les beaux discours ne fonctionnaient plus. Le risque à trop attendre, c'est de nourrir encore davantage cette déception, de faire croître le sentiment de relégation et l'envie de sécession.
Dans une interview au Figaro ce matin, le sondeur de l'IFOP, Jérôme Fourquet :
"Si le discours d'Emmanuel Macron sur la "promesse républicaine" et le redressement économique de la banlieue a pu séduire une partie des électeurs de ces quartiers, ils se sont tout de même tournés massivement vers Jean-Luc Mélenchon au premier tour."
Un an après, l'image d'Emmanuel Macron s'est même inversée dans l'opinion.
"Le glissement du centre de gravité du macronisme à droite, explique Jérôme Fourquet, se traduit aussi dans ces territoires qui attendent au tournant le président sur des mesures économiques et sociales mais aussi sur la question de l'islam de France."
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