Le gagnant ou la gagnante du processus sera connu dimanche. Christiane Taubira semble favorite. Au grand dam des candidats de gauche engagés de longue date pour la présidentielle.
Jean-Luc Mélenchon n’a pas retenu ses coups, hier soir, contre cette primaire populaire.
En meeting à Bordeaux, le candidat de la France insoumise a dénoncé ce processus : rebaptisé par lui “l’obscure” “primaire machin chose”.
Sa ligne est claire : hors de question de participer à ce vote, qui doit désigner en fin de semaine son gagnant ou sa gagnante.
Cette réaction, à mi-chemin entre l’hostilité et la méfiance, illustre l’inquiétude des partis traditionnels, déjà lancés dans leur campagne depuis plusieurs mois.
Et qui voient soudain débouler cet ovni dans le ciel de la gauche, à deux mois et demi de l’élection.
Un Ovni ou plutôt Opni : objet politique non-identifié.
Cette primaire populaire, c’est vrai, ne correspond à rien de connu jusqu’ici.
Ce scrutin mêle des personnalités de la société civile, comme Charlotte Marchandise ou Anna Agueb-Porterie. Mais aussi des politiciens plus anciens, comme l’eurodéputé Pierre Larrouturou.
Une ex-ministre, Christiane Taubira, qui s’est inscrite expressément dans cette démarche de la primaire populaire.
Et puis encore trois autres candidats, qui s’y trouvent malgré eux, à l’insu de leur plein gré comme aurait dit un cycliste accusé de dopage.
Il s’agit de Jean-Luc Mélenchon, Anne Hidalgo et Yannick Jadot.
Pourquoi n’ont-ils pas voulu participer à ce processus ?
C’est vrai que c'eût été logique, compte-tenu de l’empilement des candidatures à gauche.
Officiellement, la principale raison, c’est que tout cela arrive trop tard. Nous sommes à 75 jours du premier tour.
Les candidats cités, Mélenchon, Jadot, Hidalgo, sont en campagne depuis de longs mois. Ils ont été désignés par leur famille politique, parfois au terme d’une primaire. Ils n’ont donc pas envie de tout remettre en jeu, si près du but.
Officieusement, il y a aussi la crainte d’un exercice dont ils ne maîtrisent rien.
Ni l’aspect programmatique, puisque la primaire populaire impose à tous un socle commun d’idées et de mesures.
Ni les modalités du vote. Ce n’est pas un scrutin classique. Les candidats seront classés, “très bien”, “passable” ou “insuffisants”. C’est la méthode dite du jugement majoritaire, qui peut effrayer, on s’en doute, ceux qui ont toujours connu les votes classiques à deux tours.
Ce rejet de la primaire populaire par les candidats déjà lancés s’explique aussi par un dernier point : ils ne connaissent pas le corps électoral.
Qui sont les 467 000 électeurs revendiqués par l’équipe d’organisation ?
Jean-Luc Mélenchon l’ accuse d’ailleurs à demi-mot de truquer les chiffres. Dans son billet de blog, publié hier, le candidat insoumis s’étonne fortement du nombre d’inscrits : “16 000 de plus en 2 heures”, relève-t-il. Avant d’évoquer une “stupeur suspicieuse devant cette croissance de champignon”.
Cette hostilité est-elle le signe que cette primaire populaire change la donne à gauche ?
Elle la change numériquement, dans les deux sens du terme.
Numériquement, car la liste des inscrits constitue un immense fichier numérique, qu’il sera ensuite facile de mobiliser pour la campagne proprement dite.
Numériquement encore, au niveau du nombre, il sera difficile d’ignorer une candidate ou un candidat légitimé par presque un demi-million de votants.
467 000 inscrits, c’est quatre fois plus que la primaire des écologistes. C’est deux fois plus que le nombre de parrainages citoyens recueillis sur internet par Jean-Luc Mélenchon.
“Difficile de dire que c’est un non-événement”, selon le patron du Parti radical de gauche Guillaume Lacroix, soutien de Christiane Taubira.
Attention toutefois à relativiser les chiffres. En 2016-2017, la primaire ouverte socialiste avait accueilli 2 millions de votants, celle de la droite plus de 4 millions.
Electeurs hésitants et partis politiques hostiles.... Il faudra encore convaincre du monde pour que la primaire populaire devienne vraiment... populaire.
Frédéric Says
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