Covid-19 : "Boris Johnson a pris le virus à la légère"

Le Premier ministre britannique Boris Johnson pose pour une photo avec un flacon de vaccin contre le  COVID-19 à Oxford University, dans l'usine de fabrication pharmaceutique de Wockhardt à Wrexham, du Pays de Galles, le 30 novembre 2020.
Le Premier ministre britannique Boris Johnson pose pour une photo avec un flacon de vaccin contre le  COVID-19 à Oxford University, dans l'usine de fabrication pharmaceutique de Wockhardt à Wrexham, du Pays de Galles, le 30 novembre 2020.  ©AFP - PAUL ELLIS
Le Premier ministre britannique Boris Johnson pose pour une photo avec un flacon de vaccin contre le COVID-19 à Oxford University, dans l'usine de fabrication pharmaceutique de Wockhardt à Wrexham, du Pays de Galles, le 30 novembre 2020. ©AFP - PAUL ELLIS
Le Premier ministre britannique Boris Johnson pose pour une photo avec un flacon de vaccin contre le COVID-19 à Oxford University, dans l'usine de fabrication pharmaceutique de Wockhardt à Wrexham, du Pays de Galles, le 30 novembre 2020. ©AFP - PAUL ELLIS
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Le Premier ministre britannique, pourtant auréolé d'une large victoire aux élections législatives, a perdu beaucoup de crédit dans sa gestion de la crise sanitaire. Entretien avec Richard Place, correspondant permanent de France Culture à Londres.

Avec
  • Richard Place Journaliste, correspondant de Radio France au Royaume-Uni

En France, l'exécutif a fait face à de nombreuses critiques dans sa gestion de la crise sanitaire. Et à l'étranger ? Les gouvernements ont-ils été fragilisés ou confortés, soutenus ou contestés, face à cette crise inédite ? Toute la semaine, le Billet politique vous emmène en Italie, aux Etats-Unis, en Chine, en Allemagne et au Royaume-Uni. Aujourd'hui, direction Londres.

Frédéric Says : Boris Johnson est-il perçu comme ayant bien géré la crise ?

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Richard Place : Un chiffre résume tout et c’est sans appel, le nombre de morts ici : plus de 65 000. Record macabre en Europe. C’est le résultat d’une crise prise au sérieux trop tardivement. Il aura fallu que le Premier ministre lui-même tombe malade, et qu'’il se retrouve en soins intensifs. C’était au début du mois d’avril. 

Avant cela, Boris Johnson - et tout son gouvernement avec lui - prenait ce virus à la légère. Ils serraient des mains à tout va, comme si de rien n’était, visiblement persuadé que cette petite grippe allait vite passer. 

A ce moment-là, il n’écoutait pas les autorités sanitaires, préférant la logique économique. La peur de ralentir le pays - on ne parle même pas de le mettre à l’arrêt à ce moment-là. 

Après son passage à l’hôpital, Johnson a changé de point de vue et cela s’est ressenti dans sa politique. Il a pris les mesures qui s’étaient imposées à peu près partout ailleurs en Europe. Mais avec du retard et donc une mortalité plus élevée. 

En septembre, alors que la deuxième vague se profilait, la méthode avait donc changé...

Il a martelé les conseils et il a tout fait pour essayer d’éviter un nouveau confinement mais il n’y est pas parvenu, en se calant cette fois à peu près sur le calendrier européen. C’est finalement là où il brille, d’habitude, que le Premier ministre a péché le plus : la communication. 

A trop jouer les fiers-à-bras, à trop vouloir prendre des positions définitives, il a dû changer d’avis, "manger son chapeau" plus de vingt fois dans la gestion de cette crise sanitaire. Et cela s’est vu. La presse avait même ouvert un compteur. 

Sa popularité et celle de sa majorité en ont pris un coup. Il y a un an, ils écrasaient les élections générales, s’offrant un boulevard à la Chambre des communes. 

Ces dernières semaines, les sondages racontent tous la même chose : un effondrement. 20 points de moins. Et des conservateurs rattrapés par les travaillistes pourtant moribonds et en pleine crise interne.

Un Royaume pas très uni, cette année, donc...

Une désunion apparue de manière flagrante. C’est d’abord une question d’organisation politique. Le Pays de Galles, l’Écosse et l’Irlande du Nord bénéficient tous d’une délégation de pouvoirs avec un Premier ministre à chaque fois. 

La santé est dans leur rayon d’action donc les mesures prises pour lutter contre la pandémie ont été décidées à Belfast, Cardiff et Edimbourg. Souvent sans concertation avec Londres. 

On s’est parfois retrouvé dans des situations ubuesques où des Anglais ne pouvaient officiellement pas entrer au Pays de Galles par mesure de précaution ! Alors que normalement cette frontière est totalement virtuelle... On vit et on travaille indifféremment d’un côté à l’autre, sans même se poser la question. 

Les parlements écossais, nord irlandais et gallois ont réclamé plusieurs fois des réunions de crise avec Westminster pour collaborer et surtout harmoniser les mesures. Mais on l’a bien vu pendant toute cette année, la communication n’est pas bonne.

Ce qui a permis à Nicola Sturgeon de briller. La Première ministre écossaise est apparue solide, sérieuse...

Sa communication était "carrée". Alors même que le bilan sanitaire n’est pas bon non plus chez elle. La leader du Scottish national party a renvoyé l’image d’une dirigeante qui sait ce qu’elle fait. Un caillou de plus dans la chaussure de Boris Johnson. 

Ce ressenti a sans doute beaucoup contribué aux envies d’indépendance de l’Écosse. Tous les sondages l’indiquent, si le vote avait lieu aujourd’hui, elle quitterait le Royaume-Uni. 

Le référendum a eu lieu il y a six ans, le non l’avait emporté largement. Depuis, il y a eu le Brexit, les Écossais avait voté contre mais ils sont emportés par le reste du Royaume. Il y a aussi la gestion du Covid et puis il y a Boris Johnson qui agace beaucoup Edimbourg.

Et en Angleterre, cette crise a rouvert de vieilles fractures politiques et géographiques ?

En effet, ici on appelle ça le "mur rouge", c’est grosso modo une bande qui couvre le Nord de l’Angleterre d’Est en Ouest. D’anciennes terres industrielles et minières où l’on votait travailliste. 

Ce mur s’est effrité au moment du vote sur le Brexit. Puis il s’est carrément effondré lors des législatives il y a un an. 

Mais avec la crise de la Covid, la reconstruction semble entamée. Ces régions ont très mal vécu les restrictions géographiques différentes. 

Le gouvernement a voulu adapté les règles selon les taux d’infection et c’est justement dans ces coins là que les chiffres étaient les plus élevés. 

Magasins et restaurants fermés, économie locale déjà défaillante mise à mal… Les habitants se sont sentis méprisés par Londres. 

Les maires travaillistes soufflent sur ces braises, bien sûr, et les députés conservateurs ont peur pour leur siège, alors ils ont chahuté Boris Johnson qui a décidément vécu une année 2020 très compliquée.   
 

Richard Place est correspondant permanent à Londres pour Radio France.