La gestion de la crise sera au cœur de la présidentielle. Pour l'instant, les opposants n'ont pas réussi à convaincre qu'ils auraient fait beaucoup mieux.
A première vue, la crise sanitaire renforce les oppositions. De manière quasiment mécanique.
Partout dans le monde, la pandémie (et ses effets) fragilisent, démonétisent les dirigeants.
Donald Trump doit en grande partie sa défaite au coronavirus, qu’il appelait le “chinese virus”.
Au Brésil, Jaïr Bolsonaro fait face à des demandes de destitution.
En Italie, même si les causes sont multiples, Giuseppe Conte a dû lâcher son siège de président du Conseil.
Emmanuel Macron est d’ailleurs conscient du risque. Dans un entretien accordé à plusieurs journaux étrangers, ce week-end, dont la Repubblica, le président français remarque ceci :
“Il y a beaucoup de crises politiques en ce moment en Europe et je pense que d'ailleurs tout cela est lié. La tension que crée l'épidémie sur nos sociétés est un facteur de crise politique accéléré”.
Pourtant, jusqu’ici en France, les oppositions ne sont pas parvenues à prendre l’ascendant, au travers de cette thématique de la crise sanitaire.
Comment l’expliquer ?
Il y a bien sûr des raisons structurelles. La Vème République protège le président face aux tempêtes. Il ne peut pas être destitué. Il dispose d’une large majorité à l’Assemblée, qui rend également peu probable un renversement du gouvernement.
C’est ainsi que la majorité a pu, sans coup férir, supprimer la mission d’information de l’Assemblée consacrée à la crise sanitaire.
Par ailleurs, les élections départementales et régionales étant repoussées, on ne peut pas mesurer un éventuel vote-sanction.
Mais ce n’est pas là la seule explication.
Car pour l’heure, aucune figure politique d’opposition n’a vraiment émergé.
Les différentes enquêtes d’opinion montrent cette tendance paradoxale : Toutes soulignent une défiance tenace sur la gestion de crise du gouvernement... Mais aucune ne distingue de personnalité qui aurait fait beaucoup mieux, dans l’esprit des Français.
Pourtant, les oppositions ne sont pas restées coites, depuis le début de cette crise…
Oui, c’est même une litote. Partout, les opposants au macronisme ont dénoncé les imprévoyances et les ratés.
Parfois, d’ailleurs en anticipant avec justesse. Dès le 29 mars dernier, Jean-Luc Mélenchon mettait en garde contre une deuxième vague.
Quant à Marine Le Pen, elle n’a eu de cesse de demander une fermeture des frontières, qui s’est finalement concrétisée la semaine dernière.
Le Parti socialiste, lui, demande plus d’aides pour les publics précaires. Les Républicains réclament des décisions plus décentralisées, au plus près du terrain, comme l’on dit.
Mais, de fait, les oppositions sont coincées par plusieurs obstacles.
1 - Elles n’ont pas connaissance en temps réel des données, des chiffres de l’épidémie.
Elles sont donc condamnées à réagir dans le brouillard. Jean-Luc Mélenchon met en avant ce désavantage, lorsque les journalistes lui demandent des précisions sur ses propositions.
Même chose pour Marine Le Pen, qui évacue les questions précises et techniques avec cet argument :
"Il ne vous échappe pas que je n'ai pas vocation à devenir ministre de la Santé, mon ambition c'est d'être cheffe de l'Etat". (BFM TV)
Ce qui évite d’avoir à répondre dans la précision des dossiers.
Voilà donc pourquoi les opposants peinent à définir des positions durables, au risque d’osciller entre des propos tour à tour péremptoires et hésitants.
La question de la réussite ou non d’Emmanuel Macron face à la pandémie sera pourtant centrale pour la présidentielle de l’an prochain.
Oui parce que cette crise a annihilé les arguments de campagne d’Emmanuel Macron.
En 2022, il comptait faire valoir son bilan économique. La croissance relativement bonne et le chômage en diminution, il y a encore un an.
Patatras, il va falloir trouver autre chose.
Et cette autre chose, ce sera donc la figure du capitaine qui tient dans la tempête.
Une forme de présidentialité, quand les oppositions sont décrites comme obsédées par la petite politique.
Les partisans d’Emmanuel Macron reprendront en substance les vers d’Aragon :
“Quand les blés sont sous la grêle, fou qui fait le délicat ; fou qui songe à ses querelles, au cœur du commun combat”.
Frédéric Says
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