Distribuer des ronds en restant carré

Le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, voit progresser la dette liée à la crise sanitaire. Jusqu'où ?
Le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, voit progresser la dette liée à la crise sanitaire. Jusqu'où ? ©AFP - Arthur Nicholas Orchard
Le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, voit progresser la dette liée à la crise sanitaire. Jusqu'où ? ©AFP - Arthur Nicholas Orchard
Le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, voit progresser la dette liée à la crise sanitaire. Jusqu'où ? ©AFP - Arthur Nicholas Orchard
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Le ministère des Finances voit avec inquiétude la "dette Covid" s'accumuler.

Au moment où la nation compte "66 millions de procureurs" (dixit Emmanuel Macron), il en est un qui se dévoue pour jouer le comptable de service. 

Olivier Dussopt, le ministre des Comptes publics, a sorti sa calculette. Il alerte sur le niveau de la dette française. “Il faut que 2021 marque la fin du ‘quoi qu’il en coûte’”, prévient-il dans le journal Les Echos. Bruno Le Maire, notre invité ce matin, insiste lui aussi sur la nécessité de "rembourser" ces créances quand la crise sera passée. 

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“Quoi qu’il en coûte”, allusion au slogan d’Emmanuel Macron. Une promesse de moyens quasi-illimités pour maintenir en vie l’économie française. En s’exprimant ainsi, les ministres envoient un signal aux marchés et aux institutions : non, le gouvernement français n’a pas décidé d’ouvrir les vannes sans limites. 

Mettre les moyens, cela a une fin. Distribuer de l’argent oui, mais sans oublier les contraintes financières. 

En somme, donner des ronds en restant carré. Voici le message que Bercy veut faire passer. 

Pourtant, il est vrai que la tentation est grande de lâcher la bride. D’ailleurs, la dette publique galope partout dans le monde. Tous les pays y ont recours. Et finalement, si tout le monde se met en infraction, alors personne ne s’y met vraiment. 

D’ailleurs, qui entend encore parler des agences de notation ? Elles furent les oracles redoutés de la campagne présidentielle en 2012. Chacun scrutait les oscillations du fameux "triple A". C’est désormais de l’histoire ancienne. 

A la bourse de l’influence, le cours des agences de notation semble avoir drastiquement chuté.

Un autre motif de tentation : en ce moment, s’endetter est très peu cher.

En particulier pour la France, dont la signature est jugée fort crédible par les investisseurs. Ils payent même pour acquérir de la dette française, tellement le placement paraît sûr - c’est ce qu’on appelle les taux négatifs.

D’ailleurs, devant l’évidence, la Commission européenne a dû mettre entre parenthèses les règles budgétaires : théoriquement, pas plus de 60% de dette, rapportés à la richesse nationale. Cette année en France, nous atteindrons... 120%.

Néanmoins, tôt ou tard, se posera la question : que faire de ce stock de créance accumulé pendant la crise ? Et de ce côté-là, le champ politique n’est pas très disert.

Le gouvernement mise sur le retour de la croissance pour reconstituer les marges de manœuvre. La France insoumise estime, pour sa part, que cette dette ne sera jamais remboursée. Le Parti socialiste propose une taxation des hauts revenus, tout en reconnaissant que ce n’est pas à la hauteur du défi financier. 

L’approche de la présidentielle explique en partie ces réponses assez frustes. Difficile de mener campagne, de promettre des lendemains meilleurs, tout en insistant sur le fardeau à rembourser. 

Car la question qui vient immédiatement, c’est : qui va payer ? Et nul doute que les 66 millions de procureurs ne s’en laisseront pas conter.

Frédéric Says