

Quand les Français seront-ils appelés aux urnes pour les élections municipales ? Le Premier ministre a proposé hier soir deux pistes : en juin ou en janvier 2021. Entre risque sanitaire et vide politique, le calendrier tourne au casse-tête. Et aucune date ne fait consensus.
Édouard Philippe l'a affirmé récemment : en temps de pandémie, l'art de gouverner se résume à un choix entre décisions mauvaises... et des décisions très mauvaises.
En voici un exemple, avec ces élections municipales.
Quand faut-il les organiser ? La question a tout du piège politique.
Résumons le dilemme.
Deux possibilités ont donc été retenues par l'exécutif.
Un nouveau vote dès le mois de juin. Ou bien plus tard, après l'été, voire l'an prochain.
Mais ces deux options ne sont pas strictement équivalentes.
Car si l'on revote en juin, dans un mois, un seul tour est nécessaire, le deuxième. On gardera les résultats obtenus au 1er tour en mars dernier.
Mais si l'on revote après l'été, alors il faudra organiser deux tours de scrutin. Autrement dit, repartir de zéro, c'est le Conseil d’État qui le dit, dans son avis du 18 mars dernier, sinon la sincérité du scrutin en serait altérée. Trop de temps entre les deux votes.
Pour résumer, c'est soit un tour et maintenant, soit deux tours mais plus tard.
Investissement
« Le plus tôt sera le mieux ! » ont récemment claironné une trentaine de maires sortants, dont Anne Hidalgo et Christian Estrosi.
Dans une tribune publiée par le Journal du dimanche, ils argumentent à juste titre sur la paralysie qui s'installe à la tête des villes.
Impossible par exemple de prendre de grandes décisions d'investissements publics, tant que le suffrage universel n'est pas venu conforter les édiles de son onction.
Oui, mais quel risque sanitaire ? En organisant le vote dès le mois de juin, ne s'apprête-t-on pas à donner un coup d'accélérateur au virus, qui circule toujours ?
Certes, le deuxième tour ne concerne qu'une minorité de communes. Seulement 5 000 sur 35 000. Partout ailleurs, un candidat a été élu dès le premier tour.
Mais ces 5 000 communes sont les plus peuplées. Elles regroupent 16 millions d'électeurs. Soit un tiers du corps électoral.
Ce n'est donc pas anodin d'organiser des files d'attentes, moins de deux mois après la fin du confinement.
Et pour trouver la meilleure date, le gouvernement cherche à bâtir un certain consensus politique...
Oui, l'exécutif sait que cette décision est à haut risque.
Imaginez - on ne le souhaite pas - que plusieurs assesseurs décèdent du covid-19 peu après l'élection.
On anticipe sans mal la polémique. Les dénonciations enflammées. Les plaintes pour mise en danger de la vie d'autrui. Les tweets ravageurs contre un gouvernement qui, je cite, « fait passer la politique avant la santé », etc. On le voit d'ici.
Alors Emmanuel Macron et Édouard Philippe tentent d'impliquer l'opposition dans ce dilemme. Et ainsi, de partager la responsabilité du choix. D'où les réunions cette semaine, avec les hauts responsables de tous les partis.
Mais du côté de l'opposition, c'est bien sûr « tous aux abris ». Silence radio, parmi les opposants.
Paradoxe amusant : ce sont souvent ceux qui, depuis le début de la crise, ont un avis sur tout ce qu'il aurait fallu faire... qui étrangement, cette fois, regardent leurs chaussures et restent cois.
A l'instar du président LR du Sénat, Gérard Larcher, ils n'entendent pas soulager le fardeau de l'exécutif sur cette question périlleuse.
Pour un peu, il faudrait presque organiser un "doodle", cette application qui permet de choisir collectivement une date pour les événements.
Qu'en dit le Conseil scientifique, lui qui est censé éclairer le gouvernement sur cette pandémie ?
Eh bien pas grand-chose. Lui non plus ne se mouille pas (et comment ne pas le comprendre). Dans un avis rendu cette semaine, il se garde bien de trancher.
Notamment parce qu'il est à ce jour impossible de prédire - ni même d'esquisser - la courbe des contaminations dans les prochaines mois.
Il y a tout de même deux éléments intéressants dans cet avis. Les scientifiques penchent pour un seul tour plutôt que deux ; ce qui renforcerait donc la piste de ce mois de juin.
Mais surtout, ils estiment que le risque ne vient pas tant du vote... que la campagne électorale.
Et en effet, comment prévoir des meetings avec la distanciation physique ?
Comment imaginer des poignées de main avec les gestes-barrière ?
Comment penser distribuer des tracts sans risquer de disperser du virus ?
Ce sera donc nécessairement une campagne à nulle autre pareille. Davantage par le numérique, et en tout cas, de très loin : pas de contact direct avec les électeurs.
Tout comme le musicien qui fait semblant de jouer s'adonne à ce qu'on appelle la « Air Guitar », voici venir la « Air Campagne électorale ».
Frédéric Says
L'équipe
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