

Depuis quelques jours, le temps politique est comme suspendu à la parole du président de la République.
Le premier ministre, Edouard Philippe, s'est exprimé à plusieurs reprises en début de semaine dernière.
Lundi, il a présenté ce qu'on a intitulé la "restitution" du Grand Débat. Puis mardi et mercredi, il a pris la parole devant les députés et les sénateurs. Tout ça, dans la perspective de ce que va dire et décider le chef de l'Etat.
On a appris hier soir que ce sera ce soir, à 20 heures. Emmanuel Macron s'exprimera dans une allocution télévisée.
Et il participe lui même à la scénarisation de cette séquence. Puisque pour annoncer cette allocution, le chef de l'Etat a publié hier soir sur son compte Twitter une courte vidéo de 44 secondes :
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Cette vidéo, sur laquelle n’apparaît pas Emmanuel Macron, se termine par un texte très court : "lundi 15 avril, 20 heures, je vous réponds".
On a donc, là, une scénarisation de ce que va dire et annoncer, ce soir, le président de la République.
Et tout au long du week-end, la plupart des médias, notamment les médias télévisés, sont pleinement rentrés dans le jeu, faisant, un peu plus encore, monter les enchères.
Chacun des responsables politiques ou syndicaux a été, à tour de rôle, interrogé sur ce qu'il attend de la parole présidentielle.
C'était le cas, sur BFM TV, de Laurent Berger, patron de la CFDT :
Ce que j'en attends, c'est l'inscription dans la transition écologie parce qu'on en a besoin (à) un niveau économique (à) un niveau humain, tout simplement. Et de montrer que cette transition écologique, elle peut se faire dans la justice sociale.
Le président de "Les Républicains", Laurent Wauquiez, a également été sollicité :
Ce que j'en attends, c'est que, enfin, les paroles soient suivies d'actes.
Tout comme Marine Le Pen, sur la chaine LCI et la radio RTL :
En réalité, je n'en attends rien pour une raison simple, c'est que le président de la République a d'ores et déjà annoncé qu'il ne changerait pas de direction.
On a donc là une dramatisation de la réponse qu'apportera Emmanuel Macron, ce soir, au grand débat qu'il a lancé il y a 3 mois. Dramatisation à laquelle tout le monde participe, plus ou moins volontairement et plus ou moins consciemment, le Président lui-même, les responsables politiques et syndicaux, les médias et même très modestement, votre serviteur, qui vous parle en cet instant.
Est-ce aussi important que ça en a l'air ? est-on à un tournant du quinquennat ?
En faisant monter les enchères comme ça, Emmanuel Macron suscite une forte attente. Il en est nécessairement conscient.
D'un côté, un certain nombre d'éléments laissent penser qu'il a pris la mesure de la crise qui a secoué le pays ces cinq derniers mois.
Il y a déjà eu les dix milliards d'euros de mesures en faveur du pouvoir d’achat au mois de décembre.
L'annonce de ce grand débat pour permettre une expression publique autrement que par la contestation et la violence.
On a pu voir aussi qu'il a amplement remanié ses équipes à l'Elysée faisant partir la plupart des très jeunes conseillers qui l'accompagnaient depuis sa campagne. Il a même organisé un pot de départ, la semaine dernière, pour les saluer et les remercier. Ils étaient dix-sept ex-conseillers à y participer.
D'autres éléments, en revanche, laissent penser qu'il n'y a peut-être pas tant de choses qui vont changer.
Il y a déjà ces lignes rouges qu'il a fixées.
Pas question de mettre en oeuvre le référendum d'initiative citoyenne, réclamé notamment par les Gilets jaunes. Pas question non plus de revenir sur la suppression de l'ISF, l'impôt sur la fortune.
Autre élément : ce qui a, en partie, déclenché le mouvement des" gilets jaunes" est une contestation de la fiscalité, le fait que la classe moyenne a le sentiment de trop payer d'impôts (on sait qu'une partie des attentes portent sur cette question).
Or, le pouvoir exécutif ne dispose pas de marges de manœuvre budgétaire. D'autant qu'il a déjà lâché, en fin d'année dernière, dix milliards de plus que ce qui était initialement prévu.
Enfin, alors qu'à travers ce mouvement de contestation, une partie de la population a montré sa volonté de réinvestir l'espace public, son aspiration à s'impliquer (et à être impliquée) politiquement dans la prise de décision, on voit qu'Emmanuel Macron remet, au contraire, de la verticalité dans l'exercice du pouvoir.
A travers la scénarisation, la dramatisation, de ce qu'il va annoncer aux français, il redevient celui qui voit, qui pense et qui décide. Il redevient celui qu'il avait dit qu'il voulait être : "le maître des horloges".
Autant d'éléments qui peuvent faire douter qu'on serait aujourd'hui à un tournant du quinquennat.
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