

Le chef de l’État cherche à endiguer les discours moroses.
Le macronisme est un optimisme. La semaine de commémorations tout juste écoulée l'a encore montré. Le président ne s'est contenté d'une compilation de larmes, de gestes symboliques et de lourds silences. Il a choisi, à côté de cette déambulation mémorielle, d'insister sur ce qui va bien. "Sur la résilience de ces territoires" de l'Est et du Nord, pour parler comme l’Élysée.
C'est ainsi qu'Emmanuel Macron a pu se rendre en même temps à l'Ossuaire de Douaumont, pour commémorer les soldats tombés... et à l'usine Renault de Maubeuge, pour fêter les emplois retrouvés. En un mot : plutôt que de seulement observer la plaie, on a célébré la cicatrisation. Le chef de l’État a peu de goût pour les commémorations embuées, celles qui racontent l'orage sans laisser transparaître un rayon de soleil.
"Pensez printemps !" Ce fut l'un des mantras de sa campagne présidentielle. Se retourner vers le passé abject : oui ; s'y laisser enfermer : non. Aller de l'avant. Ainsi peut-on interpréter sa volonté de ne plus présider les cérémonies de mémoire des attentats du 13 novembre. A partir de cette année, ce sera le Premier ministre qui en sera chargé.
De même, après l'attentat de Trèbes, Emmanuel Macron a-t-il célébré le héros Arnaud Beltrame ; afin que l'on retienne le nom de ce gendarme, plutôt que celui du terroriste. Est-ce aussi cette volonté forcenée de trouver du bien dans le mal, des héros face aux salauds, qui a conduit à trouver légitime l'hommage au vainqueur de Verdun Philippe Pétain ? Cela peut faire partie des explications.
L'espérance, un créneau politique autant qu'un tempérament
"Regardons demain plutôt qu'hier". C'est la même philosophie qu'on retrouve lors du déplacement officiel d'Emmanuel Macron en Algérie, il y a quelques mois, dans ce dialogue improvisé avec un jeune passant dans une rue d'Alger :
"- Vous avez quel âge ?
- 26 ans...
- Mais vous, vous n'avez jamais connu la colonisation. Qu'est-ce que vous venez m'embrouiller avec ça ! Vous, votre génération, elle doit regarder l’avenir !"
Durant toute sa campagne, Emmanuel Macron s'est présenté en candidat de l'espérance. C'était autant une question de créneau politique que de tempérament. Quel président peut se satisfaire de voir son pays parmi les plus pessimistes au monde ? Dans les dernières enquêtes internationales, les Français se situent derrière les Afghans et les Irakiens, en termes de confiance en l'avenir pour leur pays. Mais ce discours de l'optimisme peut-il s'entendre en France ? Quand Emmanuel Macron tente d'insuffler un peu de moral au pays, est-ce que cela ne revient pas à tenter de gonfler une chambre à air poreuse ?
A mi-chemin entre la méthode Coué et la vaillance enthousiaste du boy-scout, ce discours de l'espérance se dissout vite dans la mélancolie – souvent justifiée – et dans le cynisme ambiant – lui parfaitement inutile. Souvenez-vous des rires qui accompagnaient ce diagnostic du président François Hollande :
"Ça va mieux !"
Dans un pays qui n'a plus confiance en lui, on comprend le décalage entre le discours macronien et sa réception, de plus en plus critique. Le président fait penser à cet ami qui vous dit "bouge-toi' quand vous allez mal.
D'où l'inadéquation entre cet éternel confiant (qui recommande de traverser la rue pour trouver un emploi) et l'état d'esprit ambiant, qui rumine et soupire. Pourtant, au niveau macro-économique, les indicateurs sont positifs - ou plutôt moins pires. Les embauches en CDI repartent, mais un chiffre ne fait pas le printemps. Est-ce à dire qu'il faut flatter la mélancolie française pour être un bon président ? Sans doute pas. Les oiseaux de mauvais augure sont bien assez nombreux parmi les politiques, les essayistes et les experts de tout poil (de mauvais poil, surtout). Encore faut-il pouvoir étayer l'optimisme avec des réussites concrètes, perceptibles et surtout durables.
Frédéric Says
L'équipe
- Production