Emmanuel Macron et Édouard Philippe ont-ils échangé leur costume ?

Edouard Philippe et Emmanuel Macron, le 5 septembre 2018 à l'Elysée.
Edouard Philippe et Emmanuel Macron, le 5 septembre 2018 à l'Elysée.  ©AFP - Ludovic Marin
Edouard Philippe et Emmanuel Macron, le 5 septembre 2018 à l'Elysée. ©AFP - Ludovic Marin
Edouard Philippe et Emmanuel Macron, le 5 septembre 2018 à l'Elysée. ©AFP - Ludovic Marin
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Le chef de l’État semble jouer le rôle de Premier ministre, tandis que le locataire de Matignon se présidentialise.

Quelle curieuse semaine ! L'on a vu Emmanuel Macron sous les huées, en train de discuter prix des carburants et indemnités kilométriques. L'on a vu Édouard Philippe sous les honneurs, représenter la France au Vietnam puis l’État en Nouvelle-Calédonie. Y aurait-il une inversion des rôles ? Les sondages confirment cette impression. En termes de popularité, Emmanuel Macron obtient des scores de premier ministre et Édouard Philippe de président. 33 % de bonnes opinions pour Macron, 50 pour Philippe, selon IFOP pour Paris Match. L'écart n'avait jamais été aussi important : 17 points de différence en faveur de l'homme de Matignon. 

Traditionnellement, c'est plutôt l'inverse. Le président est là pour durer, le premier ministre pour s'user. 

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Pensez à Jean-Pierre Raffarin, sous la mitraille, pendant que Jacques Chirac restait à l'abri. Ou à Alain Juppé, droit dans ses bottes mais sacrifié manu militari. Pensez à Michel Rocard, Edith Cresson, Pierre Bérégovoy, qui ont pris les coups adressés au mitterrandisme finissant.

Comment expliquer cette inversion des rôles ? 

Cela ne tient pas uniquement aux réformes, pas forcément populaires, car tous deux les « assument », comme ils disent. Sans doute est-ce une affaire d'image, peut-être de caractère. Emmanuel Macron avait pourtant théorisé, au début de son quinquennat, une présidence digne et distante - on le voit au cours des commémorations actuelles. Une présidence en hauteur sans être hautaine. Présente sans être omniprésente. Qui fixe une direction sans être directive. Mais le chef de l’État ne peut s'empêcher de descendre dans l'arène. Au prix de mots malheureux, maladroits ou offensants, du "pognon de dingue" jusqu'au "chômeur qui doit traverser la rue". 

Est-ce le côté bravache, sûr de lui, qui fait mine de ne même pas comprendre la controverse ? Toujours est-il que quelque chose ne passe plus. 

Tout l'inverse chez Édouard Philippe. Avec son sérieux et sa raideur, il semble porter sur ses épaules le poids de la Vème République. Il donne l'impression de présider, quand Emmanuel Macron donne l'impression de gouverner. 

Ce dernier n'est bien sûr pas le seul responsable. L'époque ne permet plus au chef de l’État de rester en retrait. Le rythme politique, médiatique, l'oblige au combat quotidien. On l'a vu sous les présidences Sarkozy et Hollande, avec des Fillon et des Valls plus populaires que leur patron. Le quinquennat au lieu du septennat, BFM au lieu de l'ORTF et Twitter au lieu de France Soir amènent de fait cette accélération. Mais Emmanuel Macron a aussi mis du sien pour ce changement de costume. Trois exemples. 

- En choisissant de s'exprimer chaque année devant le Parlement, il se contraint à singer le discours de politique générale d'un Premier ministre. 

- En recevant régulièrement les députés En Marche à l’Élysée, il se transforme en chef de la majorité. 

- En rejetant la République des fusibles, comme il l'a dit au moment de l'affaire Benalla, il se place en première ligne. Pas de fusible... au risque du court-circuit !

Frédéric Says

L'équipe