Emmanuel Macron et la stratégie du "candidat le moins-pire"

France Culture
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Les partisans du chef de l'Etat assurent qu'aucun des opposants n'aurait fait mieux. Un argument risqué.

Il faut lire les interviews de Richard Ferrand. Le président de l'Assemblée nationale occupe un poste, le "perchoir", qui lui offre une vue panoramique sur le paysage politique français.  

Par ailleurs, très proche d'Emmanuel Macron - il fut l'un premiers parlementaires convertis - il peut développer sa pensée individuelle sans risquer de se faire taper sur les doigts.  

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Or, hier, dans une interview au journal Les Échos, entre quelques considérations plus banales, Richard Ferrand donne un avant-goût de ce que sera le ton de la campagne d'Emmanuel Macron en 2022 (si le président se représente, bien sûr, ce qui ne semble faire aucun doute au sein de sa garde rapprochée).  

Que dit Richard Ferrand ?  

En substance : qu'Emmanuel Macron n'a pas tout réussi, mais qu'il reste le meilleur comparé aux autres prétendants.  

« Qui aurait mieux traversé les crises successives ? » s'interroge Richard Ferrand, en allusion au coronavirus, à la crise économique, aux gilets jaunes.  

Question rhétorique. Réponse sous-entendue : personne n'aurait mieux réussi. En oubliant un peu vite que certaines de ces crises, comme les gilets jaunes, c'est Emmanuel Macron qui les a déclenchées.  

Publicité comparative

En France, contrairement aux États-Unis, les candidats ne peuvent pas faire de la publicité comparée qui dénigre les adversaires, comme ici Donald Trump à propos de Joe Biden :  

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Mais Richard Fernand interprète au fond la même petite musique : selon lui, Mélenchon, Le Pen, Baroin, Jadot ou Faure n'auraient pas mieux à la barre du navire France.  

Cette affirmation revient à dire aux électeurs : si vous changez, vous savez ce que vous perdez, vous ne savez pas ce que vous gagnez.  

Le problème de cet argument, c'est qu'il contredit la philosophie de la victoire macroniste en 2017.  

Il était le candidat de la disruption, il serait maintenant le candidat de la continuité.  

Il promettait l'avènement d'un nouveau monde (dehors les notables !)... Le voici désormais mis dans le même sac, une sorte de primus inter pares, le meilleur d'entre ses semblables. 

Sondages

Bien sûr, c'est le cours des choses : installé à l’Élysée, Emmanuel Macron s'est notabilisé. Pour la prochaine campagne, il ne sera plus l'ancien banquier audacieux, mais l'ancien président ombrageux ; suivant en cela l'itinéraire mitterrandien.  

Le candidat qui devait "changer la vie" en 1981, devenu le "père de la nation" en 1988. La rupture, puis la rupture d'avec la rupture !

Certes, à l'appui de sa thèse, Richard Ferrand a pour lui les sondages. Dans ces derniers, aucun opposant ne semble jouir d'un cote de confiance largement supérieure au chef de l’État.  

Mais il risque de se voir opposer cette punchline, ce slogan classique que tous les élus sortants entendent pendant leur campagne. Exemple avec Nicolas Sarkozy, tancé par Laurent Fabius en 2012 [extrait sonore] :

- Votre bilan, c'est votre boulet...  
- C'est aux Français de juger. Ils diront si dans la crise, je les ai protégés (...) Et puis ils regarderont François Hollande et ils se diront : est-ce que lui aurait mieux fait ?

Et cet argument n'avait pas vraiment réussi à Nicolas Sarkozy.  

Présenter Emmanuel Macron  en candidat le "moins pire" de tous, c'est sans doute intégrer le scepticisme répandu des Français pour la politique.  

Mais c'est aussi encourager un vote de résignation. Dans cette campagne, laisser à d'autres l'entrain. Leur laisser l'audace. Celle de disrupter le disrupteur.

Frédéric Says

L'équipe