

Il était l'un des seuls à faire flotter le drapeau européen dans ses meetings. Mais devenu président, Emmanuel Macron est sur la défensive quant à son projet européen.
C'est censé être le parti le plus enclin à défendre l'Union européenne et pourtant la République en marche se distingue jusqu'ici surtout par son silence. Les élections ont lieu dans douze semaines, trois mois, et pour l'heure, on ne connaît ni les candidats du parti macroniste, ni le programme qu'ils proposeront aux Français. Aux Français et aux citoyens européens établis en France, pour être précis.
Certes, cette discrétion peut s'expliquer par plusieurs facteurs. D'abord, dans la population, personne n'a encore sérieusement la tête au scrutin européen. Communiquer maintenant reviendrait à prêcher dans le désert.
Ensuite, la crise des gilets jaunes et le grand débat éclipsent pour l'instant ce rendez-vous.
Enfin, l'absence de communication ne signifie pas l'absence de réflexion. L'ancien conseiller élyséen Stéphane Séjourné, devenu directeur de campagne, est à la tâche. Et parmi les macronistes, les candidats aux places éligibles se démultiplient déjà, comme Rayan Nezzar, énarque, fugacement porte-parole du parti présidentiel, tandis qu'Agnès Buzyn, la ministre de la Santé, réfléchit à conduire la liste aux européennes.
Mais le coup d'envoi sera donné par Emmanuel Macron lui-même cette semaine. Il doit publier demain matin dans la presse européenne une tribune sur ses souhaits pour l'Europe, sur sa crainte du délitement. A vrai dire, cette grande opération de communication a même commencé dès hier soir. Le chef de l’État était l'invité de la Rai 1, première chaîne de la télévision publique italienne.
Après la brouille diplomatique entre Paris et Rome, le président français a tenté de rapprocher les points de vue, en italien dans le texte :
Il cuore al di là dell'ostacolo"
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Une expression dont l'équivalent serait « à cœur vaillant rien d'impossible ». Et pendant la demi-heure d'interview, en français cette fois, il fut question de cœur, d'amour, d'amitié. Objectif : faire oublier les tensions. Emmanuel Macron ne cite d'ailleurs jamais les ministres Matteo Salvini et Luigi di Maio, qui ont publiquement soutenu les gilets jaunes. Il salue en revanche le président Sergio Matterella et annonce un déplacement commun au mois de mai, à l'occasion des 500 ans de la mort de Léonard de Vinci. Il cite aussi Umberto Eco et Eduardo de Filippo (Eduardo de Filippo, qui n'est pas l'homonyme italien du premier ministre français, mais le dramaturge, dont Emmanuel Macron confie avoir joué les pièces quand il était au lycée).
Opération empathie et humilité, face au présentateur vedette Fabio Fazio. Emmanuel Macron sait qu'il doit affronter un procès en arrogance et en mépris, en Italie, qui porte bien au-delà des cercles gouvernementaux. Les épaules un peu rentrées sur sa chaise, le président s'exprime depuis le rez-de-chaussée de l’Élysée, et non pas sous les ors de son imposant bureau. Il confie avoir fait des erreurs, être allé trop vite. Il en profite pour appeler à la concertation et au dialogue à propos de la ligne grande vitesse Lyon-Turin, qui divise le gouvernement italien.
Mais au-delà de la parade amoureuse, savamment exécutée, le fond du propos a souligné ce qui manque encore, à ce jour, au grand projet européen macroniste.
Si le président français a renoncé à la posture morale – il ne fut pas hier soir question de la lèpre populiste, un terme qui avait beaucoup agacé le gouvernement italien... il n'en reste pas moins que le discours se borne à jouer "en contre" : contre les "égoïsmes nationaux", contre les "simplismes", contre l'"euroscepticisme"...
Mais quel projet positif ? Les slogans sur la souveraineté européenne et la solidarité de l'Union ressemblent à des incantations que la réalité se charge de démentir un peu plus chaque jour. Il y a pourtant sans doute en France encore une appétence pour une ambition européenne fédérale, mieux intégrée et plus aboutie. Il reste aux macronistes à expliquer en quoi cette ambition serait le meilleur projet... et non pas le moins pire.
Frédéric Says
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