Esquisse du débat qui nous attend ce soir

Les affiches officielles du second tour de Marine Le Pen et Emmanuel Macron
Les affiches officielles du second tour de Marine Le Pen et Emmanuel Macron ©AFP - ALEXANDROS MICHAILIDIS / SOOC
Les affiches officielles du second tour de Marine Le Pen et Emmanuel Macron ©AFP - ALEXANDROS MICHAILIDIS / SOOC
Les affiches officielles du second tour de Marine Le Pen et Emmanuel Macron ©AFP - ALEXANDROS MICHAILIDIS / SOOC
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A quoi peuvent ressembler les échanges ?

Pour éclairer l'événement, on est toujours tentés d'aller chercher des exemples, des jurisprudences dans les archives. Mais en l'occurrence c'est un peu vain : les débats présidentiels des trente dernières années n'ont pas grand-chose à voir. Ils ont toujours opposé un sortant et son rival. Et toujours deux représentants des partis installés. Les échanges ont été parfois vivaces, mais jamais délétères. En 1995, avant d'entrer sur le plateau, Jacques Chirac et Lionel Jospin avaient même conclu un pacte de non-agression. Les échanges en furent plats et courtois.

Pour ce soir, tout promet l'exact inverse. Jamais une joute d'entre-deux-tours n'avait opposé des finalistes aux projets aussi antagonistes. Par comparaison les duels Mitterrand-Chirac ou Sarkozy-Royal passent pour des aimables conférences de consensus.

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Ajoutons à cela le contexte, celui d'un resserrement des courbes sondagières, l'incertitude des reports de voix du premier tour... et la propension de l'époque à générer ce qu'on appelle pudiquement les "vérités alternatives" (certes, le mensonge en plein débat n'est pas une innovation).

Les journalistes-présentateurs ont prévenu : ils ne sont pas là pour corriger les propos, rétablir la vérité, mais pour distribuer la parole équitablement. A l'ère des fake news, ce sera donc à chaque candidat de s'imposer presque physiquement, pour démonter les intox de son adversaire, pendant que les comptes réseaux sociaux des deux débatteurs isoleront les "séquences" censées mettre en valeur leur candidat.

Le débat risque de tourner au fact-checking mutuel, sans arbitrage en plateau... Avec deux camps qui resteront convaincus que leur candidat a le monopole, non pas du cœur, mais de la vérité.

Ces derniers jours de campagne donnent des indices quant aux arguments que vont employer les deux candidats.

En voici donc un petit vademecum rhétorique du débat de ce soir :

Il y aura un point élite : "Oligarchie – banquier – Rotschild" contre "Héritière – Manoir de Montretout".

- Premier ministre : "pourquoi ne pas dire qui vous nommerez à Matignon, monsieur Macron ? Les Français ont le droit de savoir" contre "Madame Le Pen, gouvernerez-vous avec Robert Ménard, Gilbert Collard et Bruno Gollnisch ?"

Inévitable aussi, la mention de l'usine Whirpool : "Selfies" contre "sifflets".

Euro : « Madame Le Pen, je n'ai pas très bien compris si vous sortez de l'euro ou pas »... contre « Monsieur Macron, votre projet c'est la peur, mais les Français ne sont pas dupes ».

Incontournable également, la pique sur "vos soutiens de l'UOIF" contre "vos amis les Identitaires".

fiscalité : « Monsieur Macron, vous êtes le candidat du coup de bambou fiscal avec la hausse de la CSG » contre « Madame Le Pen, vous faites payer les classes moyennes et populaires avec votre taxe sur les importations, qui revient à une TVA à 23% ».

héritage : « vous êtes l'héritière de votre père », contre « vous êtes l'héritier de François Hollande, de Manuel Valls et de madame Taubira » (toujours dire "madame Taubira"). Au passage, taper sur le PS, ça présente l'avantage de réunir les Mélenchonistes et les électeurs de François Fillon.

Un dernier élément rhétorique retient votre attention, Frédéric...

Chacun des deux candidats a récupéré les mots du camp d'en face. Emmanuel Macron voit en Marine Le Pen "l'anti-France", expression très connotée du camp adverse. Lui-même se définit comme "patriote". Il conclut son clip de campagne par "Vive le peuple de France". De son côté, Marine Le Pen dénonce la « radicalité » de son adversaire, elle appelle à "faire barrage" à celui qu'elle qualifie d' « extrémiste » de la finance.

Un débat à front renversé, un signe supplémentaire de la confusion idéologique ambiante.

© Visactu

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