Etes-vous plutôt "droite Trocadéro" ou "droite Mercato" ?

Pour Laurent Wauquiez, la République en marche propose une politique de gauche. Ce qui n'est pas exactement un compliment dans sa bouche.
Pour Laurent Wauquiez, la République en marche propose une politique de gauche. Ce qui n'est pas exactement un compliment dans sa bouche.  ©AFP - Patrick Hertzog
Pour Laurent Wauquiez, la République en marche propose une politique de gauche. Ce qui n'est pas exactement un compliment dans sa bouche. ©AFP - Patrick Hertzog
Pour Laurent Wauquiez, la République en marche propose une politique de gauche. Ce qui n'est pas exactement un compliment dans sa bouche. ©AFP - Patrick Hertzog
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La République en Marche et le parti Les Républicains se disputent âprement l'électorat de droite, à dix jours des élections européennes.

Ces temps-ci, les partisans d'Emmanuel Macron et ceux de Laurent Wauquiez s'envoie des bordées d'injures. A vrai dire, des injures un peu codées, un peu mystérieuses, pour qui n'a pas suivi les turpitudes récentes de la droite. 

C'est Édouard Philippe qui a ouvert le feu en début de semaine, en dénonçant la « droite Trocadéro ». Une allusion au rassemblement sur la place du même nom pour soutenir François Fillon, en pleine déconfiture pendant la campagne présidentielle. 

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A lire le chef du gouvernement, lui-même ex-membre de LR, la « droite Trocadéro », c'est le noyau dur, les fanatiques, les sans-nuances. Celle qui garde sa confiance à un candidat cerné par les affaires. 

Immédiatement, Laurent Wauquiez a répondu : « la droite Trocadéro », c'est celle qui ne baisse pas la tête, qui ne renonce pas. Autrement dit, celle qui ne se vend pas pour un plat de lentilles (du Puy) à la moindre intempérie politique. 

Tandis qu'"Edouard Philippe, c'est la droite mercato", renchérit un autre baron des Républicains, le député Julien Aubert. 

Le mercato, comme au football où l'on change de club à l'intersaison. Edouard Philippe a troqué le maillot de LR contre celui de LREM, la République en Marche. 

Ces noms d'oiseaux ne sont pas nouveaux entre la droite traditionnelle et ceux qu'elle accuse d'être des renégats... 

C'est vrai... mais si la température monte brutalement, c'est parce que l'électorat de droite représente un enjeu crucial à dix jours du scrutin européen. Et la porosité est importante entre la République en Marche et LR. 

Qui choisiront les sympathisants de droite, de François-Xavier Bellamy, tête de liste Les Républicains, ou de Nathalie Loiseau, candidate Macroniste et juppéiste historique ?

D'ailleurs, Édouard Philippe a lancé sa charge dans un média soigneusement choisi pour l'occasion : Le Figaro - qui, comme chacun sait, compte assez peu de lecteurs marxistes-léninistes. 

Ces derniers mois, le gouvernement a envoyé de nombreux signaux à cet électorat : loi anti-casseurs, réforme de la fonction publique, inflexibilité quant à l'impôt sur la fortune... 

Mais la campagne de François-Xavier Bellamy fonctionne plutôt bien. Son allure tempérée, sa prise de hauteur séduit les classes moyennes supérieures et les retraités. Ceux-là forment le gros du bataillon des votants, dans une élection européenne largement boudée par les jeunes et les classes populaires. 

Par ailleurs, plusieurs élus LR qu'on disait "macron-compatibles" soutiennent finalement Bellamy. C'est le cas de Christian Estrosi et Aranud Robinet, les maires de Nice et de Reims. 

Dès lors, l'objectif des macronistes est clair : éviter la remontada de la droite, pour rester dans le vocabulaire sportif. 

Avant-hier, un débat très tendu a d'ailleurs opposé Nathalie Loiseau et François-Xavier Bellamy. Les deux têtes de listes ont croisé le fer loin des micros et des caméras, devant l'institut Montaigne, un think tank libéral. 

Le candidat des Républicains a accusé sa compétitrice de défendre un programme de gauche (ce qui n'était pas un compliment en ces lieux). 

Nathalie Loiseau, elle, a eu cette pique pour son adversaire : «  sur la question climatique, nous avons le devoir de regarder nos enfants en face. Vous n’en avez pas encore, j’en ai quatre… »    

Une phrase que l'on pourrait traduire par « la droite n'a pas le monopole de la famille ».

Ces élections européennes portent à incandescence un affrontement larvé depuis le début du quinquennat...

Ces derniers mois, la politique d'Emmanuel Macron s'est libérée du masque trompeur du « Et en même temps ». 

Elle s'affiche désormais pour ce qu'elle est idéologiquement : une droite pro-business, pro-intégration européenne, libérale sur les questions sociétales comme la PMA, plutôt autoritaire sur le plan régalien. 

Dès lors, les deux formations couvrent un espace politique en partie commun. Et comme disait Jacques Chirac, "il ne peut y avoir deux crocodiles dans le même marigot". 

Si l'on y pense, l'affrontement qui se déroule sous nos yeux n'est pas nouveau. En cinéma, on dirait que c'est un remake. Celui de la guerre entre le RPR et l'UDF. 

Le premier étant plus conservateur et plus favorable à une Europe des Nations. Le second se voulant plus libéral et plus pro-européen. 

La création de l'énorme machine UMP, en 2002, avait broyé ces courants et dilué la sensibilité UDF. La voici revenue. 

La guerre des droites. 

Ces élections européennes, c'est aussi le match retour entre Chirac et Balladur.

Frédéric Says

L'équipe