Existe-t-il un "populisme vert" ?

"Face au populisme vert, tout discours rationnel sur l'écologie est interprété comme un renoncement", selon Brune Poirson, secrétaire d'État à la Transition écologique et solidaire.
"Face au populisme vert, tout discours rationnel sur l'écologie est interprété comme un renoncement", selon Brune Poirson, secrétaire d'État à la Transition écologique et solidaire. ©AFP - Ludovic Marin
"Face au populisme vert, tout discours rationnel sur l'écologie est interprété comme un renoncement", selon Brune Poirson, secrétaire d'État à la Transition écologique et solidaire. ©AFP - Ludovic Marin
"Face au populisme vert, tout discours rationnel sur l'écologie est interprété comme un renoncement", selon Brune Poirson, secrétaire d'État à la Transition écologique et solidaire. ©AFP - Ludovic Marin
Publicité

Le gouvernement accuse certains partis d'opposition de jouer sur les peurs quant au changement climatique.

La notion de populisme fut beaucoup utilisée ces dernières années, de manière parfois un peu fourre-tout : tant pour désigner Donald Trump que Jean-Luc Mélenchon, tant pour qualifier les Gilets jaunes que Boris Johnson.

Mais jusqu'à présent, à ce terme de populisme, on n'avait pas encore accolé l'adjectif « vert ». 

Publicité

C'est chose faite avec la ministre Brune Poirson. Plus précisément, la secrétaire d’État à l'écologie affirme voir se développer en France un populisme qui « instrumentalise l'angoisse liée au changement climatique ». 

Ecoutez, c'était hier sur France Culture, dans le journal de 12h30 (Brune Poirson est interrogée par Anne-Laure Jumet et Stéphane Robert) : 

"C'est vrai que l'action, parfois, est plus difficile à expliquer. Parce qu'on est dans la complexité des sujets. C'est plus compliqué que de faire des promesses sur un coin de table qui parfois s'apparente, j'ose le mot, à un certain populisme vert qui vise à faire croire que tout serait faisable du jour au lendemain, très facilement".

Avec ce concept de populisme vert, Brune Poirson ne nous facilite pas la tâche.

On l'a vu, « populisme » est un terme assez difficile à définir ; mais le mot « vert » l'est presque autant, surtout dans un contexte, où tous les partis se disent « verts », attachés à l'écologie. 

Tentons d'y voir plus clair. La ministre développe sa théorie dans les pages du Figaro. Selon elle, ce « populisme vert » se divise en deux courants. 

- Celui qui « utilise l'écologie comme excuse pour casser le système actuel » ; en particulier l'extrême-gauche, d'après Brune Poirson, elle range dans le lot les Insoumis et Europe Ecologie Les Verts. 

- Celui qui promeut l'écologie du repli, qui veut renfermer la France sur elle-même, analyse Brune Poirson. En somme, ici, le populisme vert serait un peu vert-de-gris.   

Comment comprendre cette théorie ? 

Bien sûr, il y a d'abord un brin d'électoralisme. A l'approche du scrutin municipal, au moment où les écologistes sont crédités de très bons scores, le gouvernement tente de contenir cette vague. 

En caricaturant, il s'agit de la bataille pour les CSP+, les ménages aisés et urbains, qui ont largement voté Macron en 2017... et qui pourraient cette fois glisser un bulletin écolo dans un urnes. 

D'ailleurs, Europe-Ecologie Les Verts va être la tête de turc de ces prochaines semaines. Marine Le Pen les appelle même les « Rouges-Verts ». En somme, le couteau entre les dents et le quinoa dans l'assiette. 

Les cadres du Rassemblement national utilisent eux l'expression Khmer vert, dans un processus qu'on pourrait appeler la « Pol-potisation » de l'adversaire. Rien de très réjouissant pour le niveau du débat public. 

Mais une fois que l'on a dit cela, il n'en reste pas moins que le concept de « populisme vert » nous donne à réfléchir. 

Ces deux mots, « populisme vert », vont-ils bien ensemble ? 

De prime abord, ils ont l'air contradictoires, on dirait un oxymore. 

L'écologie semble éloignée du populisme, dans ce qu'il suppose d'égoïste, ou plutôt d'expéditif, de démagogue, de simpliste. Penser aux générations futures, à la santé de la terre, à l'état de la couche d'ozone, c'est refuser de ne s'intéresser qu'à soi et qu'à l'immédiat. 

Mais la prise de conscience large de l'urgence écologique fait intervenir un nouvel élément : la peur. Et la peur est un sentiment très politique. 

Un filon qui s'exploite, une manière de convaincre par l'émotion. Pensez au rôle qu'a joué la peur de l'insécurité lors de la présidentielle de 2002, par exemple. 

Ce sentiment est un terreau propice aux promesses à l'emporte-pièce. L'annonce de l'apocalypse, qu'elle soit sécuritaire ou environnementale, suscite forcément son lot de prophètes et de démagogues. Et de candidats qui promettent, face à la crise écologique, de "raser gratis". 

C'est d'ailleurs ce dont Brune Poirson accuse l'opposition. Jean-Luc Mélenchon, piqué au vif d'être traité de « populiste vert », lui a "vertement" répondu hier soir à la tribune de l'assemblée nationale :

"Je veux bien que vous me qualifiez de populiste vert. Ça me fera un habit de plus. Mais oui, nous devons interdire l'usage du plastique dans un délai d'urgence. Nous croyons à l'Etat, à la contrainte, à la loi. Madame, confiez-moi les clés du camion et vous allez voir si je ne suis pas capable de le faire en l'espace d'un an... et peut-être même moins !"

Et le leader insoumis met en avant son concept de « planification écologique ». 

Comme un signe du temps, le Rassemblement national promeut le localisme contre la mondialisation. Le Parti socialiste a agrémenté de vert son logo de la rose et milite pour une taxe carbone européenne. 

Dans le champ syndical, la très productiviste CGT tisse des alliances avec Greenpeace.   Bien sûr, chaque citoyen jugera de la sincérité de ces conversions. 

Mais voilà peut-être l'un des progrès collectif de ces dernières années. Désormais, dans la vie publique, de même que nul n'est censé ignorer la loi, nul n'est censé ignorer la planète.

Frédéric Says

L'équipe