

Emmanuel Macron rencontre aujourd’hui les 150 citoyens de la convention pour le climat.
Tous attendent de voir dans le détail comment leurs propositions seront reprises - ou pas - dans le projet de loi pour le climat qui sera présenté en janvier. Mais avant de pouvoir juger du fond de ces mesures, il est intéressant d’observer cet exercice inédit : la convention citoyenne.
150 citoyens tirés au sort, à qui le gouvernement a demandé de phosphorer ensemble sur les moyens de faire baisser les émissions de gaz à effet de serre.
D’où cette question, que nous nous posons ce matin : la méthode est-elle duplicable ? Y aura-t-il demain des Conventions citoyennes pour tous les sujets ?
Pour Emmanuel Macron, la formule a offert plusieurs avantages politiques. On peut en compter au moins quatre.
D’abord, cette convention citoyenne lui a permis de se donner du temps. Lui qui était encore sous la pression des manifestations de gilets jaunes, a pu temporiser, fixer une échéance collective plus lointaine, c’est-à-dire la fin des travaux de la convention. Et faire ainsi redescendre la pression.
Deux : elle a dilué les responsabilités. Puisque désormais les citoyens étaient chargés de trouver des solutions au changement climatique, le gouvernement n’avait plus la patate chaude dans les mains.
Trois : la convention citoyenne a répondu au procès en déconnexion. Président des riches, élites coupées de la société, voici ce qu’on pouvait lire sur les pancartes des manifestants. Avec les 150 citoyens, c’est plus dur de dire qu’ils sont coupés de la population… puisqu’ils en font partie.
Enfin, dernier avantage politique : contrer les accusations de concentration du pouvoir, de verticalité, de "Jupiterisme". Ce n’est plus le président qui tranche, ici, c’est l’assemblée citoyenne.
Alors bien sûr, chacun de ces points peut se relativiser.
Car pendant ce temps, d’autres textes sont adoptés de manière beaucoup plus jupitérienne... Le gouvernement a fait passer 206 ordonnances en trois ans, selon les calculs du président LR du Sénat, Gérard Larcher (les ordonnances permettent au gouvernement de contourner les parlementaires sur le détail des textes).
Autre nuance : le risque de déception.
Par exemple, Emmanuel Macron avait affirmé ceci en avril 2019, au moment où il annonçait la création de la convention sur le climat :
"ce qui sortira de cette convention, je m'y engage, sera soumis sans filtre, soit au vote du parlement, soit à référendum, soit à application réglementaire directe".
Mais un an et demi après, la tonalité n’est plus tout à fait la même. Voici ce qu’il en disait il y a dix jours :
"Je ne vais pas dire : 'parce que ces 150 citoyens ont écrit un truc : c'est la Bible !'" (interview au média en ligne Brut).
D’où le risque politique que cette machinerie, qui est censée créer du consensus, s’enraye et produise du dissensus. De la discorde au lieu de la concorde.
D’où le risque, aussi, qu’on ne retienne que les mesures qui ne sont pas adoptées in fine.
Par exemple, sur les 149 propositions des citoyens pour le climat, on a beaucoup parlé de ce qui ne sera pas repris dans la loi : les taxes sur les billets d’avion ou sur le carburant routier.
Mais on oublie tout le reste, comme l’interdiction des vols en France, s’il y a une alternative en train en moins de 2h30, l’interdiction de louer des appartements mal isolés à partir de 2028, etc. Existeraient-elles, ces mesures, sans la convention ? Pas sûr.
Le professeur de Sciences Politiques Loïc Blondiaux, qui fait partie du comité de gouvernance de cette convention, rappelle aussi que les 150 citoyens se réuniront à nouveau en février pour juger des choix finaux de l’exécutif.
Il faut donc une pression constante pour s’assurer que le volontarisme des débuts ne soit pas digéré par les habitudes des ministères. Il faudrait même une loi, un cadre légal, pour clarifier le rôle et les attributions des futures conventions citoyennes, c’est ce que proposent Thierry Pech et Clara Pisiani-Ferry, du think tank Terra Nova.
A cette condition, pourquoi ne pas répéter l’expérience au-delà du thème du climat ? Pourquoi pas des conventions citoyennes sur la fiscalité, sur la diplomatie, sur l’éducation ? Certes ce sont des matières extrêmement complexes, mais pas plus que celles de l’énergie et des gaz à effet de serre...
Cela dit, si l’exercice de la convention citoyenne est amené à se répéter sur d’autres sujets, il faudra prendre garde à ménager le parlement, qui pourrait sentir sa crédibilité affectée. Car si des conventions citoyennes s’occupent de tous les sujets, alors à quoi sert l’Assemblée nationale - qui d’après la constitution représente le peuple pour écrire la loi ?
Voilà donc les conditions pour que la carte de la convention citoyenne ne soit plus un joker qu’on abat sous la pression... mais bien un atout dans le jeu démocratique.
Frédéric Says
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