Que faire de la “dette covid” ? Au sein du parti Les Républicains, le sujet divise. Comme si la crise fragilisait aussi les repères idéologiques.
En 2022, le prochain ou la prochaine locataire de l’Elysée trouvera sur son bureau quelques dossiers encombrants.
Parmi eux, l’endettement colossal, accumulé à l’occasion de la crise sanitaire.
Pas seulement les 100 milliards d’euros du plan de relance. Il y a aussi, dans ce paquet-cadeau, les mesures d’aide à l’économie (chômage partiel, prise en charge des frais fixes de certaines entreprises...) Sans oublier le trou budgétaire creusé par les moins bonnes rentrées fiscales et sociales - moins de commerce, c’est aussi moins de TVA.
Et voici comment la dette représente désormais 120% du PIB, la richesse nationale.
20 points supplémentaires en un an. Entre temps, le “quoi qu’il en coûte” est passé par là...
Créances
Cette équation ne génère pas seulement des maux de tête au gouvernement.
Les oppositions, elles aussi, se demandent ce qu’elles feront avec ce monceau de créances sur les bras, si elles arrivent au pouvoir.
Le débat est particulièrement intéressant au sein du parti Les Républicains, car personne n’est d’accord.
Il y a d’abord l’école classique, celle d’Eric Woerth, ancien ministre du Budget. Pour lui, une dette ça se rembourse. Il faudra travailler plus, suggère-t-il dans les pages du Journal du dimanche.
Mais d’autres voix, au sein de LR, sont plus iconoclastes.
Aurélien Pradié, le jeune n°3 du mouvement, estime que cette dette covid devrait rester “perpétuellement dans les livres de la Banque centrale européenne”. C’est-à-dire qu’on n’en entende plus parler.
Il est soutenu par François Baroin, ex-ministre de l’Economie et des Finances.
Étonnant, dans un parti qui depuis longtemps mis la discipline budgétaire au frontispice de ses valeurs.
Souvenez-vous, sous Nicolas Sarkozy, le parti voulait même adopter une règle d’or, qui aurait interdit le moindre déficit public. Cela semble il y a un siècle.
Cela dit, ces prises de position, à bien y réfléchir, ne sont pas si surprenantes.
D’abord, parce qu’il reste, à LR, quelque substrat gaulliste. En 1966, le général de Gaulle déclarait ceci :
La politique ne se fait "pas à la corbeille", c’est-à-dire pas pour plaire aux marchés financiers.
Par ailleurs, à droite, c’est peut-être aussi une question de réalisme. Depuis 20 ans, au-delà des discours, dans les actes, les gouvernements de droite ont largement contribué à gonfler la dette.
Alors LR se convertirait-il à l’argent magique, selon l’expression désormais consacrée ?
Derrière cette polémique interne, on peut lire plusieurs choses.
D’abord, on peut y voir la vivacité du débat au sein du parti… ou bien un grand bazar idéologique, faute de chef incontesté et de ligne politique incontestable.
Mais ce n’est pas tout. Derrière ces divergences, il y a aussi deux grilles d’interprétation de la défaite de 2017.
François Fillon était trop austéritaire, trop libéral, pas assez social. Voici ce que pense Aurélien Pradié, qui ne souhaite donc pas voir resservie cette potion amère en 2022.
En face, Eric Woerth et ses amis, estiment que seules les affaires (le PenelopeGate", les costumes...) ont empêché François Fillon de l’emporter, et non pas son programme économique.
C'est un débat important, à droite, au moment où la BCE inonde de liquidités les budgets européens.
Mais à force d’hésiter entre deux caps, face à cette marée montante, les Républicains pourraient bien se noyer dans leurs contradictions.
Frédéric Says
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