François Hollande est-il vraiment trop bavard ?

François Hollande à Medan (Yvelines), le 2 octobre 2016
François Hollande à Medan (Yvelines), le 2 octobre 2016 ©Radio France - Ludovic Piedtenu
François Hollande à Medan (Yvelines), le 2 octobre 2016 ©Radio France - Ludovic Piedtenu
François Hollande à Medan (Yvelines), le 2 octobre 2016 ©Radio France - Ludovic Piedtenu
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A en croire le titre du volumineux livre de Gérard Davet et Fabrice Lhomme chez Stock aujourd'hui en librairie "Un Président ne devrait pas dire ça..." La réponse est évidemment oui !

Avec
  • Ludovic Piedtenu Journaliste, correspondant permanent de Radio France en Allemagne, ancien chef du service politique de France Culture

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Et si ce n'était encore que le seul livre à paraître depuis la rentrée, on pourrait être plus nuancé. Il s'agit du 7ème. Plus de 200 heures d'entretiens au total. Mis bout à bout, c'est une dizaine de jours pour le Président à commenter son action.

"Etrange personnage en phase avec son quinquennat, si déroutant." - Gérard Davet et Fabrice Lhomme - "Un Président ne devrait pas dire çà..." (Stock)

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Il est loin le temps du communicant Jacques Pilhan, surnommé dans un livre de François Bazin, "Le sorcier de l'Elysée" qui, du temps de Mitterrand, théorisait ce qu'il appelait "l'écriture médiatique". Pilhan n'était pas seul, il avait un acolyte, Gérard Colé. En 2013, interrogé par un autre communicant Philippe Moreau Chevrolet, voici ce qu'il disait de l'image d'un Président de la République. Extrait.

Gérard Colé avec Philippe Moreau Chevrolet - 22/04/2013

28 sec

Alors François Hollande est-il dans la position d'un gardien de but ? En accordant toutes ces interviews y compris celle à paraître aujourd'hui dans L'Obs, est-il l'objet de l'Histoire ? Son "écriture médiatique", comme disait Pilhan, est-elle la bonne ? Choisir L'Obs, par exemple, média étiqueté de gauche, pour s'adresser au peuple de gauche qu'il entend reconquérir en 2017 en leur disant "Je suis prêt", ce titre qui barre la Une de l'hebdomadaire, est en soi une bonne démarche. Si l'on suit les conseils du gourou en communication des années 80-90, François Hollande est alors "l'émetteur".

"Plutôt que de répondre de manière pavlovienne aux propositions des journalistes (et c'est là la contradiction avec tous ces livres en même temps) on préfère aller dans tel média, selon l'effet que l'on veut obtenir" disait Jacques Pilhan dans le seul et unique entretien accordé, 3 ans avant sa mort, publié par Le Débat, en novembre 1995.

Interview exhumée par l'économiste et philosophe Jérôme Batout cet automne dans la dernière livraison de cette même revue. Interview analysée mais théorie réactualisée 20 ans plus tard. Jérôme Batout, qui a travaillé un an aux côtés de Jean-Marc Ayrault à Matignon au tout début du quinquennat, appelle à "une communication moins bavarde, plus grave, plus précise dans le choix des mots". "La théorie de Pilhan est souvent résumée, de façon réductrice, à la parole rare et jupitérienne. Le but n'est pas de se faire rare mais de faire évènement", écrit Jérôme Batout. C'était l'objet du Discours de Wagram le 8 septembre, un "Wagram 2" est prévu dans les prochaines semaines. Mais n'est-ce pas trop tard ?

"Quoi qu'il fasse, quoi qu'il dise, François Hollande n'imprime pas, comme un fantôme dont on ne pourrait fixer l'image. Le président inaudible est aussi l'homme invisible." - Gérard Davet et Fabrice Lhomme - "Un Président ne devrait pas dire çà..." (Stock)

L'émetteur s'est banalisé. Alors que Jacques Pilhan il y a 20 ans théorisait que, pour un Président de la République, ça n'était "pas possible". Le tout dans un "monde devenu spontanément illisible". Comme disait Colé, "vous imaginez le désastre !"

Aujourd'hui, estime Batout, il manque au Président, "pas un slogan" il n'en a pas. Hormis depuis le printemps, le "ça va mieux !". Pas une série de bons sentiments. La nouvelle "écriture médiatique" doit être dotée "de la brièveté, de la clarté, de la profondeur et de la justesse d'expression". Cherchez-bien, ça n'est pas chez François Hollande. Il manque enfin "un cadre symbolique, un arrière-plan par lequel se reconstitue un monde commun. Une parole de création d'un monde dans lequel tous peuvent se reconnaître." C'est selon l'intellectuel, l'une des clés pour "dissiper la coupure entre les élites et les citoyens".

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