

Le rapport obsessionnel de François Hollande à la trace qu'il va laisser dans l'Histoire explique le renoncement du chef de l’État.
Avec ce renoncement, c’est la fin d’une règle jusqu’ici jamais démentie sous la Vème république : un président se représente toujours. Écoutez les déclarations de Valéry Giscard d'Estaing en 1981, François Mitterrand en 1988, Jacques Chirac en 2002, Nicolas Sarkozy en 2012 :
Billet politique 1 - les présidents se sont toujours représentés
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Alors comment expliquer que François Hollande se soit affranchi de ce théorème immuable ? Il y a bien sûr le contexte politique, dont on a beaucoup parlé. Il y a aussi, évidemment, l'air du temps, le vent d'une époque qui emporte les sortants ; deux anciens présidents, un ancien premier ministre, sortis du jeu en deux semaines. Il y a sans doute enfin chez François Hollande, le président normal, une absence de jouissance du pouvoir, ce qui est rare, et ce qui aide à passer la main.
Mais rien de tout cela ne suffit à expliquer le renoncement d’hier soir.
Il y a un trait chez François Hollande qu’on a probablement sous-estimé, à force de le décrire le président comme un homme sans fierté, sans orgueil, sans affect, c’est son rapport obsessionnel à la trace qu’il va laisser dans l’histoire.
Le chef de l'Etat en avait fait l’aveu, en mai dernier sur France Culture, chez Emmanuel Laurentin, au cours d’un long entretien.
Billet politique 2 - Hollande "je fais l'histoire"*
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En privé, François Hollande a souvent répété que l'Histoire le réhabiliterait. L'allocution d'hier soir, en même temps qu'un renoncement, est d'ailleurs un long testament politique ; la liste de ses réussites, et la reconnaissance d'une erreur sur la déchéance de nationalité. Ce rapport à l'Histoire est d'ailleurs la seule trame qui permette de relier entre eux des éléments à première vue incohérents, chez un homme que l'on a souvent décrit comme un champion de la manœuvre de court terme.
Ainsi, le passage en force sur les réformes économiques, loi Macron, loi El Khomri, qui ont fracturé son camp... François Hollande était certain que cela ferait baisser le chômage, à moyen terme... Qu’on reconnaîtrait donc à posteriori sa vision, comme Gerhard Schröder en Allemagne dont il prenait parfois l'exemple.
Cette volonté de trace dans l’histoire explique aussi pourquoi il a, à tel point, ouvert l’Élysée aux 4 vents : les archivistes et les historiens n’auront qu’à se servir, en images, en sons et en texte.
Depuis le début du quinquennat, deux films documentaires, une BD et un nombre incalculable de livres se sont immiscés dans les coulisses de la présidence. Dont l’ouvrage de Fabrice L’homme et Gérard Davet, qui se lit quasiment comme un récit à ciel ouvert, pour ceux qui voudront comprendre cette période tourmentée 2012-2017.
C’est ce que n’ont pas perçu Claude Bartolone ou Jean-Marc Ayrault, vexés d’être malmenés dans les confidences présidentielles. Dans ce livre, François Hollande ne s'adresse pas à la gauche, ni même aux Français, mais à l’Histoire et l’Histoire ne s’embarrasse pas des seconds couteaux.
Il avait raté son entrée dans le costume présidentiel, revanchard vis-à-vis de Nicolas Sarkozy sur le perron de l'Élysée, il réussit sa sortie, même ses adversaires en conviennent.
En évitant une défaite quasi-certaine, une humiliation probable, soit à la primaire, soit au premier tour, le président écrit lui-même la dernière ligne de sa future biographie.
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