"Je suis d'accord avec vous" : l'efficace gimmick rhétorique du gouvernement

Emmanuel Macron, le 15 décembre 2017.
Emmanuel Macron, le 15 décembre 2017. ©AFP - Dominika Zarzycka/NurPhoto
Emmanuel Macron, le 15 décembre 2017. ©AFP - Dominika Zarzycka/NurPhoto
Emmanuel Macron, le 15 décembre 2017. ©AFP - Dominika Zarzycka/NurPhoto
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L'exécutif tente d'effacer les points de clivage, en particulier avec l'opposition.

Trois mots : "je suis d'accord". Une astuce rhétorique pour minimiser la divergence, éliminer l’aspect frontal du débat et paralyser le contradicteur. Évidemment, la méthode n'est pas nouvelle. Mais cet exécutif l’utilise pourtant à plus haute dose que la moyenne. Pourquoi ? 

Cela tient au fameux « Et en même temps » cher à Emmanuel Macron. Ce n’est pas seulement une forme de discours qui fait place à la nuance. C'est aussi une formulation qui concilie plusieurs visions en une seule. Et qui permet donc d’englober la pensée de l’adversaire. Exemple hier à l'Assemblé nationale. Interrogé sur le nucléaire par une députée de la France insoumise, Mathilde Panot, Nicolas Hulot répond ceci : 

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"Il y a un point sur lequel on peut tous se retrouver. Vous souhaitez sortir du nucléaire. Eh bien, pour en faire la démonstration, réussissons la première étape : aller à 50 % d'énergie nucléaire dans la production d'électricité. Si on réussit cette étape, peut-être qu'on pourra aller plus loin".

Autrement dit, si l'on est à la fois pour l’énergie nucléaire et en même temps pour la progression du renouvelable, alors toutes les visions peuvent s’y retrouver. 

"Je suis d’accord avec vous" : l’accord renvoie aussi bien à la musique qu’à la conjugaison, on accorde, on s’accorde, il induit une harmonie et un respect de l’autre ou de la règle. Et il est très difficile d’être en désaccord avec quelqu’un qui vous dit qu’il est d’accord.    Cette propension à être d'accord a parfois été moquée, comme lors du débat télévisé avant le premier tour de la présidentielle. C'est le candidat François Asselineau qui interpelle ainsi Emmanuel Macron :  

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Faut-il déplorer qu’un candidat surligne ses points communs avec ses adversaires ? Pas forcément ; pour tout dire cela repose un peu. 

Mais pour l'expliquer, il faut revenir à la genèse du mouvement En Marche. Contrairement à ce qui est souvent dit, Emmanuel Macron n’a jamais prétendu qu’il ne serait "ni de gauche ni de droite". Il a expliqué - et c’est différent - qu’En Marche ne serait "pas à gauche", "pas à droite". Comprendre : pas exclusivement à gauche, pas exclusivement à droite. D’ailleurs, à l’époque, la double appartenance était bienvenue : on pouvait être encarté au Parti socialiste et rejoindre en Marche ; militant des Républicains et membre des marcheurs. C’est la politique du ying et du yang ; celle qui emprunte à la fois à l'art du balancement circonspect de l'ENA et au centrisme un peu Janus. 

Le corollaire de ce positionnement idéologique gazeux, aux contours imprécis, c’est qu’il nécessite un chef fort.

On l’a constaté sur le projet de loi immigration et asile. "Humanité et fermeté", disait le gouvernement, certes mais encore ? On a vu la majorité vaciller, commencer à douter, et il a fallu que l’Élysée se porte à la rescousse du ministre Gérard Collomb. 

Au milieu de cette jungle d’options idéologiques diverses qu’est le "En-marchisme", il faut un leader charismatique qui ouvre la voie, à la machette, qui trace le chemin devant lui.  C’est d'ailleurs pourquoi Emmanuel Macron reçoit régulièrement les députés à l’Élysée. 

En Marche veut être un mouvement central, qui doit par conséquent repousser aussi loin que possible la frontière du dissensus. Loin, très loin, dans l’idéal jusqu’aux extrêmes. Tout ce qui se trouve en deçà a vocation à être absorbé. Comme si la conflictualité inhérente aux choix politiques était davantage mise en sourdine. Comme si l’Exécutif, après des décennies à surjouer les clivages, surjouait à présent les points d’accord.

Frédéric Says

L'équipe