

Avec plus de 100 000 abonnés sur Youtube, Jean-Luc Mélenchon aspire à faire une campagne qui contourne les médias traditionnels.
Jean-Luc Mélenchon est devenu le premier "youtuber" politique. Sur la plateforme vidéo, ses causeries rassemblent maintenant plus de 100 000 abonnés. Lorsqu'on tape Mélenchon sur Google, la première suggestion est d'ailleurs "Mélenchon youtube". Le candidat à la présidentielle poste très régulièrement des vidéos où il commente l'actualité, la "revue de la semaine". Le dirigeant du Parti de gauche ne s'en cache pas : il a repris les codes de ceux qu'on appelle les "youtubers", les stars de cette plateforme. Vous connaissez sans doute Norman fait des vidéos, dont les sketchs enregistrent chacun plusieurs millions de vues. Sur la forme, il y a effectivement une certaine parenté :
Billet politique 1 - JL Mélenchon/Norman
22 sec
Pour Jean-Luc Mélenchon, cette chaîne Youtube permet de forger une communauté, façon université populaire 2.0. Les principes de l'exercice cadrent bien avec l'ADN politique du candidat : c'est gratuit, le partage est facile, et tout le monde a le même droit de commenter et d’interagir.
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Certes - c'est sans doute un oubli de Mélenchon -, Youtube n'est pas précisément une fondation philanthropique. L'entreprise fait partie de ces géants américains - ou plutôt "Nort'Américain", comme le dit Mélenchon - que le candidat de la France insoumise aime brocarder par ailleurs. Mais enfin, l'outil est puissant et présente plusieurs avantages. Il permet d'abord au candidat d'échapper à l'agenda médiatique, de choisir ses thèmes et le temps qu'il veut y consacrer. Ce qui n'est pas évident sur le plateau d'une chaîne d'information en continu. Jean-Luc Mélenchon profite ainsi de ses vidéos pour évoquer l'économie maritime, l'un des sujets qu'il estime sous-traités dans le débat public. Et pour contourner les "citations tortillées" et les "images pourries" :
Billet politique 2 - Mélenchon et les médias
12 sec
Ces vidéos présentent aussi l'immense avantage d'éviter les questions des journalistes. Une vision du monde exposée à jet continu et sans contradicteur, ce qui est quand même beaucoup simple.
Ce modèle du "youtuber politique" ne vise pas uniquement à contourner les journalistes, il vise aussi à les remplacer. Sur sa chaîne, Jean-Luc Mélenchon joue également les interviewers. Le nom de cette série résume tout : "pas vu à la télé". Le présentateur Mélenchon reçoit des personnalités dont il estime qu'elles sont sous-médiatisées comme Olivia Cattan, présidente de l'association SOS autisme France ou Issa Coulibaly, président de l''association Pazapas Belleville, pour évoquer le contrôle au faciès. Comme le relèvent les Inrocks, ce dispositif est inspiré par le mouvement Podemos en Espagne, avec son émission "La Tuerka".
Remplacer les journalistes, disions-nous. Dans un climat de défiance massif à l'égard de la presse, l'idée plaît forcément. "JLM" n'est pas le seul. Au PS, le patron du parti publie chaque semaine une vidéo qui s'intitule "l'Edito de Jean-Christophe Cambadélis". Les personnalités politiques se muent en éditorialistes 2.0.
Mais cet usage de la vidéo sur le net n'est pas nouveau, chez les politiques...
Non, ça fait d'ailleurs bien longtemps par exemple que Jean-Marie Le Pen publie chaque semaine ce qu'il appelle le "journal de bord" sur son site. Mais c'est une simple vidéo, classique, mise en ligne. Pendant sa campagne pour la primaire, Nicolas Sarkozy avait essayé de lancer des vidéos virales, mais elles étaient tellement travaillées qu’elles en perdaient tout intérêt. Ce qui fonctionne avec les vidéos de Jean-Luc Mélenchon, c’est aussi qu’elles sont imparfaites, avec des moyens limités. Et donc authentiques.
"C'est marrant de voir Papy mélenchon un peu largué faire ça avec tellement de volonté, (...) il est le seul candidat à avoir pris youtube au sérieux "
estime Usul, l'un des vidéastes en pointe contre la loi Travail, interrogé par Arrêt sur images (article abonnés)
Le succès de Mélenchon sur Youtube nous dit aussi autre chose. C'est la réappropriation des moyens de production de l'information par le politique.
La campagne de 2007 avait vu l’avènement des images clés-en-main, avec des vidéos de meeting fournies directement par les candidats. Ce qui posait déjà la question de l'indépendance du traitement journalistique, car l'image, le cadrage sont évidemment des informations. 2017 sera la première campagne disponible en direct partout et tout le temps grâce aux lives sur Facebook et Youtube. Une sorte de multiplex politique géant.
En tant que journaliste, faut-il s’en plaindre ? Non, car ces vidéos offrent un matériau brut passionnant à analyser. Et cette profusion rend encore plus indispensable le tri de l'information, la hiérarchie, la vérification et la contradiction... soit le rôle des journalistes.
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