Johnny et les politiques

Johnny Hallyday chante pour Jacques Chirac, lors d'un meeting du candidat RPR en mars 1988.
Johnny Hallyday chante pour Jacques Chirac, lors d'un meeting du candidat RPR en mars 1988.  ©AFP - Pascal Georges
Johnny Hallyday chante pour Jacques Chirac, lors d'un meeting du candidat RPR en mars 1988. ©AFP - Pascal Georges
Johnny Hallyday chante pour Jacques Chirac, lors d'un meeting du candidat RPR en mars 1988. ©AFP - Pascal Georges
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Une inclination vers la droite, et des pas-de-côté surprenants. Johnny Hallyday a nourri des relations suivies - et publiques - avec des responsables politiques. Sans illusions.

"Que je t'aime" semblait dire le monde politique français à Johnny Hallyday, qui éprouvait en retour des sentiments plus contrastés. Certes, l'idole des jeunes fut souvent celle des militants RPR. Toujours disponible pour un tour de chant avant un meeting de Jacques Chirac, comme ici  à l'hippodrome de Vincennes, à quelques semaines de la présidentielle de 1988 (à 34'') :

Dès 1974, Johnny, alors figure de proue des "yéyés", s'engage derrière Valéry Giscard d'Estaing (il n'y a pas d'oxymore dans cette phrase). On le voit poser avec un t-shirt "Giscard à la barre". Ses convictions le portent à droite, sans aller jusqu'à revendiquer, comme d'autres artistes, une conscience politique, un engagement citoyen ou une expertise sur le sujet. Il se voit tout même enrôlé, presque malgré lui, dans la campagne de 2005 sur le référendum européen. Jacques Chirac, en difficulté, l'implore de prendre position. Johnny fait le service minimum et lâche cette phrase : "Si le Non l'emporte, il y aura plein de gens qui quitteront la France. Ce serait faire marche arrière, ce ne serait pas bien." 

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La gauche toussote, mais ne proteste pas davantage. Difficile de se mettre à dos un chanteur si populaire, même si certains députés monteront au créneau sur sa résidence fiscale en Suisse. 

En campagne pour la présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy fait la cour à Johnny. C'est une prise de guerre dans le camp chiraquien, avec qui le candidat se veut en "rupture". Johnny est accueilli comme une demi-Dieu au meeting de Marseille :

Au moment des embrassades, le futur candidat exulte. Il est celui qui peut rassembler Johnny et Doc Gynéco (le rappeur est aussi présent ce jour-là). De quoi faire oublier à Nicolas Sarkozy, fan revendiqué, un souvenir un peu plus cuisant, quelques années plus tôt à la télévision :  

Pour la gauche, Johnny a des mots durs. Il la voit comme prétentieuse et égalitariste. Mais l'artiste prend soin de ne pas s'enfermer dans un camp. On le sait moins, mais il a chanté à la fête de l'Humanité, en 1985. Sur scène, il entre le poing levé. Et revendique crânement sa participation à ce concert : 

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Une plongée dans les archives politiques de Johnny Hallyday a quelque chose de fascinant : on le voit aux côtés de Giscard, Chirac, Sarkozy, Tapie ; on apprend aussi qu'il dîne avec François Hollande, qu'il communique avec Emmanuel Macron. Avec lui, défilent cinq décennies de responsables politiques, que les scrutins successifs ou les modes ont ensevelis, quand lui est resté : en cela il incarne, peut-être mieux que les ambitieux qui l'ont courtisé, une sorte de continuité de l’État, ou plutôt de la nation. "Il chantait avec la même passion à Las Vegas qu’à Épinal, Rodez ou Bar-le-Duc" a écrit cette nuit Emmanuel Macron dans son hommage. 

Prise de distance 

Le rapport de Johnny à la politique épouse aussi un phénomène plus large. Il est progressivement devenu plus distant, plus désabusé, plus lassé. Ainsi Johnny n'a-t-il pas pris position en 2012, pas aidé son "ami" Nicolas Sarkozy. Il s'en est expliqué avec cette phrase : "Je n'ai pas l'intention de donner mon avis sur quoi que ce soit. Je crois qu'un artiste n'a pas à se prononcer. Je l'ai d'ailleurs fait, à tort, je l'avoue. Mais je ne me mêlerai plus jamais ouvertement de politique". Noir c'est noir, il n'y a plus d'espoir.

Frédéric Says

L'équipe