Jusqu'où peut aller la moralisation de la vie publique ?

Les responsables politiques ne sont plus autorisés à multiplier les casquettes.
Les responsables politiques ne sont plus autorisés à multiplier les casquettes. ©AFP - Jorge Martinez
Les responsables politiques ne sont plus autorisés à multiplier les casquettes. ©AFP - Jorge Martinez
Les responsables politiques ne sont plus autorisés à multiplier les casquettes. ©AFP - Jorge Martinez
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Non-cumul des mandats : certains élus s'appliquent déjà à contourner la loi (tout en la respectant).

Qui a dit que la place des femmes ne progressait pas en politique ? Exemple à Drancy, 66 000 habitants, en banlieue parisienne, qui est dirigée depuis samedi par unE maire.

L'élu sortant, Jean-Christophe Lagarde, devait choisir entre l'hôtel de ville et la députation - c'est la règle du non-cumul des mandats -, et il a donc opté pour le fauteuil de député. La seule chose un peu chagrine dans tout cela, c'est que la nouvelle maire a le même nom que l'ancien : Lagarde. Et pour cause : Aude Lagarde est aussi l'épouse du maire sortant. Alors je vous vois venir, avec votre esprit narquois, vous allez suggérer qu'il y a là quelque népotisme. Eh bien madame Lagarde s'en défend, c'est avant tout en tant que citoyenne engagée, qu'élue municipale – elle était jusqu'ici 6ème adjointe -, qu'elle prend les rênes de la mairie.

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Dans le Vaucluse, Jacques Bompard a eu recours à une autre pirouette pour maintenir son influence : il s'est fait élire député, puis ré-élire maire d'Orange... Et a ainsi placé sa suppléante à l'Assemblée nationale. "C'est la stricte lettre" de la loi, se défend Jacques Bompard, élu de la Ligue du Sud.

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On voit bien, à travers ces exemples, les limites de la loi sur le non-cumul des mandats. A la boulimie, succède le régime bananier. Où les prête-noms font paravent à la concentration du pouvoir.

Certes, on peut comprendre l'aspect crève-cœur du non-cumul. Pour un élu local, il est forcément rageant de devoir se démettre, après avoir conquis soi-même un mandat, parfois dans des conditions hostiles. Il y a aussi la crainte que le siège délaissé ne tombe aux mains d'un rival, d'un intrigant,d'un incompétent (ou les trois à la fois).

La compétition politique est une épreuve de force, clanique, parfois violente. La loi voudrait en faire un simple concours administratif, où le candidat choisirait entre plusieurs orientations comme sur le logiciel APB.

Emplois familiaux : autre loi, autre limite

Il est désormais interdit à tout député ou sénateur d'embaucher un membre de sa famille. Mais qu'en est-il des relations officieuses, des intérêts croisés, des renvois d'ascenseurs ?

Si le ou la parlementaire emploie le fils du plus grand chef d'entreprise de sa circonscription, ou la fille du principal leader syndical de sa commune, c'est légal, mais est-ce mieux ?

L'opposition a d'ailleurs bien vu la brèche et a déposé des recours devant le conseil constitutionnel. Le motif ? L'interdiction de recruter un membre de sa famille serait une discrimination à l'embauche.

On le voit, les lois dites de moralisation, de transparence, d'assainissement de la vie publique, changent les comportements mais entrainent des contournements. Comme la répression anti-dopage a toujours un temps de retard sur l'apparition de nouveaux produits.

S'agit-il d'une phase transitoire, où les politiques de l'ancien monde s'accrochent à leur habitudes, leur fief, et leur petit pouvoir ? Ou bien ces lois favorisent-t-elles in fine les élus les plus roublards, les mieux implantés, les mieux entourés, pour continuer à faire comme avant... en appliquant la lettre mais en contournant l'esprit du texte ?

Une sorte de maquillage mensonger, qui a cependant le mérite de sauver les apparences... Au risque de donner l'impression que dans le slogan « la politique autrement », c'est surtout la dernière syllabe qui compte.

Frédéric Says

L'équipe