L'abstention, donnée discrète mais capitale pour les élections législatives

Dépouillement - l'abstention à l'élection législative est estimée à 40%.
Dépouillement - l'abstention à l'élection législative est estimée à 40%. ©AFP - Alain Pitton
Dépouillement - l'abstention à l'élection législative est estimée à 40%. ©AFP - Alain Pitton
Dépouillement - l'abstention à l'élection législative est estimée à 40%. ©AFP - Alain Pitton
Publicité

Comme dans un vieux couple, on ne la regarde plus. Et pourtant, elle a tant à nous dire...

Avant les législatives, méfiance. Méfiance envers les pronostics péremptoires, les sondages affirmatifs, les diagrammes en forme d'hémicycle qui indiquent le nombre de sièges prévus pour chaque formation dans la future assemblée...

Les législatives, ce sont 577 élections simultanées dans autant de circonscriptions. Difficile, donc, de prévoir l'épilogue du scrutin.

Publicité

En revanche, il est un chiffre largement ignoré parce qu'il nous semble banal, habituel, routinier. Comme dans un vieux couple, on ne le regarde même plus... Ce chiffre, c'est celui de l'abstention. Et il donne davantage d'indices sur le climat politique qu'on pourrait ne le penser.

Premier élément : à la présidentielle, l'abstention fut de 23 %. Pour ces législatives, elle est estimée à 40%. Dès lors, cela fausse toute tentative de plaquer les chiffres de la première élection sur la seconde. Et rend caducs les reports de voix simplistes.

Mais surtout, ce qui est intéressant, c'est que cette abstention s'avère différente selon les préférences politiques. Selon une étude de l'Ipsos parue il y a quelques jours dans le Monde (abonnés), 75% des sympathisants du mouvement En Marche ont l’intention d’aller voter aux législatives... contre 63% de ceux du Front national et 62% de ceux de la France insoumise. Et seulement 45 % parmi les électeurs qui ne se déclarent proches d’aucun parti.

Est-ce lié à la dynamique de la victoire présidentielle pour certains, à l'amertume de la défaite pour d'autres ? Sans doute, mais pas seulement. Les enquêtes révèlent aussi que le choix de s'abstenir, lors des législatives, est intimement lié à la catégorie socio-professionnelle de l'électeur.

Au moment de la présidentielle, les classes populaires se déplacent largement. C’est beaucoup moins vrai aux législatives. D'une élection à l'autre, il y a beaucoup plus de déperdition de voix dans les catégories populaires que chez les cadres et autres "CSP +". On imagine évidemment les conséquences sur le vote.

De là découle la difficulté de mobilisation qu'éprouvent certains candidats. Comment conserver l'élan de la présidentielle ? C'est probablement pour cette raison que Jean-Luc Mélenchon répète son mantra : "il a manqué 600 000 voix pour accéder au second tour".

12,5% des inscrits

Autre phénomène : les législatives sont la seule élection dans laquelle l’abstention joue un rôle direct. Pour une présidentielle, que vous ayez un tiers, un quart ou la totalité des électeurs qui se déplacent, le deuxième tour opposera de toute façon les deux candidats arrivés en tête. Aux législatives, c’est plus complexe : ce ne sont pas les deux premiers qui se qualifient, ce sont tous les candidats qui dépassent le seuil de 12,5% des... inscrits (ceux qui figurent sur les listes électorales, et non pas uniquement ceux qui se déplacent).

Résultat : ce seuil de 12,5% des inscrits est bien plus facile à dépasser quand la participation est forte. Cela peut permettre à trois, voire quatre candidats de se qualifier au second tour - ce qu’on appelle les "triangulaires" et les "quadrangulaires".

En revanche, quand la participation est médiocre, ce seuil de 12,5% des inscrits est moins aisé à atteindre. Et ce sont, par défaut, les deux candidats arrivés au premier tour qui s’affrontent au second. Autrement, la faible participation favorise les duels (et non les matches à 3 ou à 4).

Or, selon Ipsos, les duels ont tendance à favoriser les candidats En Marche. Car s'ils affrontent un candidat de droite, ils bénéficient d'un report des voix de gauche du premier tour. Et s'ils affrontent un adversaire de droite, il se passe l'inverse. Voilà pourquoi l'abstention se révèle une donnée qu'il ne faut pas snober quand on regarde un sondage pour ces législatives...