La défense des droits des animaux a investi le débat public. De plus en plus d'associations rassemblent de plus en plus de militants qui, parfois, remettent en cause la prééminence des droits humains sur celui des animaux. Certains n'hésitent pas à faire usage de la violence pour se faire entendre.
Cette question a été posée, pas tout à fait en ces termes mais nous n'en étions pas très loin, à l'occasion d'un colloque qui s'est tenu mardi matin au très sérieux Institut de France. Colloque organisé par "La Fondation Droit Animal, ethique et sciences" qui s'intitulait "Droits et personnalité juridique de l'animal", et à l'occasion duquel se sont réunies tout un tas de personnalités, des parlementaires et un ex-ministre, en l’occurrence Robert Badinter.
La question était de savoir si l'on peut envisager d'accorder une "personnalité juridique à l'animal", autrement dit si on peut accorder des droits aux animaux pouvant être défendus devant la justice.
Et à ce propos, écoutez un extrait de l'échange qui a eu lieu entre le président de Sciences Po, Olivier Duhamel (invité pour tenir le rôle de l'avocat du diable), et le défenseur de la cause animale et ex-président de la cour européenne des droits de l'homme, Jean-Paul Costa :
- Comment arbitrez-vous entre le droit du moustique de vivre et le droit de l'homme de ne pas se faire sucer son sang ? - Dans tous les codes pénaux, depuis toujours, il y a eu le principe de la légitime défense Parfois c'est au juge pénal d'arbitrer, de dire si la légitime défense a été excessive ou non. - Et là vous imaginez ça où, dans l'application et la mise en oeuvre des droits, on aille jusqu'à un procès au nom du moustique ? ou là, on rentre quand même dans un schéma d'application un peu délirant du droit des animaux ? - Oui, moi je pense quand même qu'il faut un peu garder la raison et le bon sens. On ne peut pas faire des procès à tout le monde pour n'importe quoi et notamment pour quelqu'un d'avoir tué un moustique.
Ouf. Nous voilà rassuré.
On ne peut pas, à ce jour, pour cet éminent défenseur de la cause animale, faire de procès à un homme pour avoir tué un moustique.
Mais la réponse à la question posée, non sans malice, par le président de Sciences Po, Olivier Duhamel, ne sera peut-être pas si évidente à l'avenir.
Car on dénombre de plus en plus d'associations qui militent pour la mise en place d'une réglementation plus respectueuse de la cause animale. On en compte aujourd'hui plusieurs dizaines, la plus célèbre d'entre ellles étant L214, association fondée il y a un peu plus de 10 ans. Elle a récemment mis au jour cette pratique, utilisée pour la recherche et qui a fait scandale, de la "vache à hublot".
Un certain nombre de ces associations (et des militants qui les composent) qu'on appelle "antispécistes" remettent en cause la prééminence des droits humains sur celui des animaux et engagent parfois des actions radicales pour se faire entendre.
Ça va de l'intrusion dans des abattoirs ou dans des exploitations agricoles pour tourner des vidéos et les poster ensuite sur les réseaux sociaux, à des happenings spectaculaires où sont mis en scène des massacres d'animaux, jusqu'à des dégradations de laboratoires, d'abattoirs ou de commerces comme les boucheries. C'est de plus en plus fréquent.
Et cette défense du bien-être animal est portée sur la place publique par un certain nombre de personnalités comme l'ancien chroniqueur de l'émission de Laurent Ruquier "On n'est pas couché", Aymeric Caron. Il explique par exemple très doctement que le moustique femelle qui tourne autour d'un être humain est une mère de famille qui fait ça pour nourrir ses petits.
La classe politique s'est aussi emparée de cette question
La France Insoumise est très impliquée depuis plusieurs années dans la défense de la cause animale.
Le Rassemblement National de Marine Le Pen s'est également saisi de la question, entre autres pour dénoncer les abattages rituels.
Les sénateurs ont récemment voté une loi qui élargit le "délit d'entrave" à l'intrusion dans une exploitation agricole ou dans un abattoir afin de répondre aux actions des militants radicaux de la cause animale (c'était le 1er octobre dernier).
Et parallèlement, deux députées "La République En Marche" ont déposé une proposition de loi pour qu'on interdise aux mineurs de moins de 16 ans d'assister aux corridas. Là encore, derrière cette proposition de loi, il y a la prise en compte et la dénonciation de la souffrance animale.
Et puis aux récentes élections européennes, on a vu émerger le Parti Animaliste, qui a recueilli 2,2 % des suffrages, soit 490 000 voix, presque autant que le Parti Communiste.
Cet engouement révèle que la cause animale se diffuse au sein de la société française.
Et il est intéressant de noter que, selon les analyses réalisées par l'institut IFOP, la carte électorale du vote en faveur du parti animaliste ne recoupe la carte du vote en faveur des écologistes.
Le vote écologiste est plutôt un vote urbain, de centre ville et dans les grandes agglomérations, tandis que le vote animaliste est particulièrement implanté en périphérie des villes. Là où on a de l'espace pour avoir des animaux de compagnie. Et là où les liens de sociabilité sont particulièrement dégradés, où l'encadrement syndical, politique, associatif, a partiellement disparu.
En celà, la carte du vote animaliste recoupe en partie celle du vote en faveur du Rassemblement National.
Tout ça révèle, plus globalement, une remise en cause des règles de fonctionnement en communauté et témoigne d'une progression du repli sur soi et de la radicalité...
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