L'art d'annoncer sa candidature

"Oui". François Mitterrand confirme, d'un mot, sa candidature à un nouveau mandat, le 22 mars 1988.
"Oui". François Mitterrand confirme, d'un mot, sa candidature à un nouveau mandat, le 22 mars 1988.  - Capture d'écran - INA
"Oui". François Mitterrand confirme, d'un mot, sa candidature à un nouveau mandat, le 22 mars 1988. - Capture d'écran - INA
"Oui". François Mitterrand confirme, d'un mot, sa candidature à un nouveau mandat, le 22 mars 1988. - Capture d'écran - INA
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Hier soir, la ministre Nathalie Loiseau s'est dite "prête" à mener la liste En Marche pour les élections européennes.

Il était 23h20 hier soir et Marine Le Pen était l'invitée de France 2. Face à elle, pour débattre, la ministre des Affaires européennes, Nathalie Loiseau, qui annonça ceci : 

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Certes, l'idée était bien vue : profiter de l'exposition médiatique de son adversaire, Marine Le Pen, pour faire passer son propre message. C'est un peu la technique du coucou appliqué à l’Émission politique. 

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Nathalie Loiseau pouvait ainsi espérer susciter une réaction de la présidente du Rassemblement national et faire de cet échange un moment fort, largement repris dans les médias. En quatre lettre, un buzz. 

Certes, le plan était bon, son exécution a été plus laborieuse : la thèse du changement d'avis en deux heures (pas candidate en entrant sur le plateau, candidate en en sortant) n'a pas été des plus convaincantes. 

A tel point que sur les réseaux sociaux, les esprits les plus critiques ont immédiatement dressé des parallèles avec les annonces de candidature ratées dans l'histoire. Quelles sont-elles ? Allons fouiller les archives. Impossible de ne pas évoquer Édouard Balladur en 1995, sous les ors de Matignon : 

Le Premier ministre de cohabitation (1993-1995) voulait s'appuyer ainsi sur son bilan pour conquérir l’Élysée. Mais son bilan fut son boulet, et cette allocution depuis son bureau l'étiqueta comme le candidat sortant. Il fut d'ailleurs bien vite sorti. 

La France au fond des yeux

Les entrées en campagne depuis les territoires, comme l'on dit, semblent plus efficaces : c'est François Hollande en 2011 depuis la Corrèze. C'est Valéry Giscard d'Estaing, qui veut "regarder la France au fond des yeux", depuis Chamalières, dans le Puy-de-Dôme. Des candidatures incarnées, humaines, collectives, racontent les images. 

Ce fut l'effet inverse que provoqua Lionel Jospin, avec sa déclaration par un simple fax à l'Agence France Presse. L'initiative fut jugée impersonnelle, administrative et distante. Même si, soyons honnêtes, l'on révise toujours a posteriori le jugement à la lueur du résultat des urnes. 

Toujours est-il qu'aucun candidat majeur n'a encore fait sa déclaration sur Twitter, ce qui serait un peu la version 2019 du fax jospinien. 

Quel est la bonne méthode, quel est le bon calendrier ? De Gaulle en 1965, Mitterrand en 1988 s'y prennent tard, un mois avant le premier tour. Ils sont chefs d'état en exercice et veulent montrer qu'ils sont jusqu'au bout dévoués à leurs fonctions, loin du fracas électoral :

Mais se déclarer trop tôt peut être risqué. En 1974, Jacques Chaban-Delmas s'empressa de se mettre sur les rangs. Seulement quelques jours après le décès du président Georges Pompidou : 

Trop empressé, donc maladroit, Chaban-Delmas se mit à dos une partie de ces fameux "amis de l'UDR"... 

Revenons-en à Nathalie Loiseau. Peu d'antécédents, somme toute, à ce type de candidature "coup de théâtre en direct". 

Les semaines qui viennent diront si elle complète la liste des méthodes à éviter, ou bien si les réactions amusées ont au moins servi à faire parler de cette tentative, à installer cette candidature auprès des électeurs et du grand public. Car en la matière, rien n'est pire que l'indifférence.

Frédéric Says

L'équipe