

Ces bravades médiatiques se multiplient : pourquoi ?
C'était ce dimanche soir sur TF1. Un échange vif - euphémisme - entre Daniel Cohn-Bendit et Gilbert Collard :
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Si la température monte rarement aussi haut sous les projecteurs, ce genre de scène est hélas assez courant.
La désertion intempestive du plateau, l'air outré, est même devenue une figure classique de la vie politico-médiatique. En ce dimanche soir d'élections européennes, il y a eu une scène similaire, cette fois sur France 2, avec l'élu Rassemblement national Julien Sanchez :
Un "plateau-exit", comme il existe un Brexit. Un carton rouge qu'on s'inflige à soi-même pour protester contre les arbitres, en l'occurrence les animateurs du débat, accusés de mal répartir la parole.
La politique de la chaise vide est à la fois un affront et une fuite. Un affront, car vous laissez le journaliste en plan et vous désorganisez son émission. Une fuite, car vous vous soustrayez à des questions qui vous embarrassent. Illustration avec Bernard Tapie il y a quelques semaines sur Europe 1 :
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Ce type d'esclandre se produit de plus en plus souvent. Pourquoi ?
D'abord parce que les espaces d'interviews politiques se sont démultipliés. Avec l'essor des chaînes d'info en continu, il y a profusion de débats en tout genre - qu'il faut bien remplir avec des invités.
D'où une banalisation du passage sur le petit écran. Aujourd'hui, n'importe quel cadre politique, moyen mais volubile, peut avoir son rond de serviette devant les caméras.
Loin de la grand-messe du 20h, jadis réservée au chef de l'état, du gouvernement, ou de grands partis politiques. Être invité au JT ou à "l'Heure de vérité", c'était rare et donc un peu sacré. On ne se levait pas à tout bout de champ. Et si on le faisait, on n'était pas réinvité de sitôt. En politique, la télévision était un apogée, elle est devenue une routine.
Deuxième conséquence de cette profusion de débats : il devient difficile de sortir du lot. D'où la tentation du geste spectaculaire. Vous aurez plus de chances d'être repris au "zapping" pour une désertion courroucée... que pour un long développement sur les implications d'une directive européenne de 1979 à nos jours.
Équation
Derrière l'apparence de la colère spontanée, se cache donc un savant calcul. Une équation complexe entre le temps de parole que vous abandonnez et le "buzz" que vous espérez. Nicolas Dupont-Aignan avouera ainsi avoir prémédité son départ du plateau de TF1 pendant la campagne de 2017.
Il y a du Néron dans cette scène : "quel artiste périt avec moi", a dit l'empereur juste avant de s'immoler. Difficile de réprimer un sourire à la vue de ce drame surjoué.
Plus généralement, le responsable politique espère ainsi montrer aux électeurs qu'il a du courage, du cran, du panache. Qu'une fois élu, il ne tremblera pas. Une filiation subliminale avec le général de Gaulle : la politique de la chaise vide pour faire carton plein.
En réalité, beaucoup de ces télégéniques indignés rêvent de reproduire le coup d'éclat de Maurice Clavel. Le cinéaste avait quitté avec fracas le plateau de l'ORTF en 1971. La scène, conclue d'un "Messieurs les censeurs, bonsoir !", a sa place parmi les moments mythiques de la télévision française.
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Mais en 2019, au moment où les journalistes sont conspués, les médias dénigrés, le débat politique hystérisé, la sortie du plateau est devenue un triste conformisme. L'originalité de ceux qui n'en ont pas d'autre. Une comédie répétitive et lassante.
Aujourd'hui, la posture la plus radicalement rebelle est sans doute de rester assis... et de répondre aux questions posées.
Frédéric Says
L'équipe
- Production