L'erasmus des candidats

Manuel Valls s'exprime lors d'un rassemblement à Barcelone pour "l'unité espagnole", le 18 mars 2018.
Manuel Valls s'exprime lors d'un rassemblement à Barcelone pour "l'unité espagnole", le 18 mars 2018. ©AFP - Paul Barrena
Manuel Valls s'exprime lors d'un rassemblement à Barcelone pour "l'unité espagnole", le 18 mars 2018. ©AFP - Paul Barrena
Manuel Valls s'exprime lors d'un rassemblement à Barcelone pour "l'unité espagnole", le 18 mars 2018. ©AFP - Paul Barrena
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L'idée n'est plus saugrenue : les prétendants politiques peuvent se présenter hors de leurs frontières. Ouverture ou opportunisme ?

Voici peut-être la voix du futur maire de Barcelone : [extrait sonore]. Vous l'entendez d'habitude dans une autre langue, le français : il s'agit de Manuel Valls. L'ancien Premier ministre brûle de se présenter dans la capitale catalane l'an prochain. Il donnera formellement sa réponse avant la fin du mois, mais la pré-campagne a déjà commencé. La presse espagnole raconte ses discrètes rencontres avec des chefs d'entreprise et des personnalités influentes sur place. Manuel Valls, député de l'Essonne né à Barcelone, quitterait donc la région parisienne après avoir quitté le Parti socialiste. 

Chez les socialistes français, justement, c'est là aussi un candidat transfrontalier qui a été pressenti. Le Belge Paul Magnette a été démarché par le PS pour prendre la tête de la liste en France pour les élections européennes de l'an prochain. Paul Magnette, connu pour sa farouche opposition aux traités de libre-échange, a finalement décliné la proposition. Mais le fait même qu'elle ait germé donne matière à réflexion. D'ailleurs, plusieurs gouvernements (dont la France) ont plaidé pour la création de listes transnationales, avec des candidats de tous les pays, pour les élections européennes.    

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Des échanges de candidats entre les pays d'Europe, est-ce le sens de l'Histoire ? Et qu'est-ce que cela implique ? 

D'abord, cela traduit en actes les mots des traités européens sur la citoyenneté dans l'Union européenne. C'est un symbole : personne n'est assigné à sa patrie. Et un responsable politique sera d'abord jugé sur ses idées plutôt que sur sa dernière adresse connue. D'ailleurs, le métier politique rejoint la normalité. Car ces échanges, ces transferts existent depuis des décennies pour les footballeurs, les ingénieurs ou les étudiants : pourquoi les politiques seraient les seuls confinés entre les murs nationaux ? 

Mais cet "erasmus politique" pose aussi la question de la représentation : qu'est-ce qu'un candidat légitime à représenter ses concitoyens ? Dans quelle mesure doit-il avoir partagé leur expérience concrète, géographique, physique ? La question n'est pas neuve. Rien qu'au niveau national, elle renvoie aux "parachutages" - quand vous êtes de Moselle et qu'on vous envoie dans le Tarn-et-Garonne ou vice-versa. Il faudra donc traduire le mot "parachutage" dans toutes les langues de l'Union européenne. (En espagnol, pour info, un parachute ça donne paracaida).  

Cette tendance à l'échange de candidats est aussi un signe de faiblesse. 

Dans les deux cas, celui de Manuel Valls comme celui de Paul Magnette, ce sont aussi des appels à l'aide venus de partis politiques sur la défensive. A Barcelone, le mouvement centriste Ciudadanos veut contenir les indépendantistes catalans. Il tente pour cela de "vendre" le personnage de Manuel Valls comme un visage nouveau. Même chose au sein du Parti socialiste français, tiraillé entre les candidatures de Julien Dray et de Pierre Moscovici – défense de rire. Les éléphants espèrent trouver de la fraîcheur chez le quadra Paul Magnette, lui qui n'a pas été usé par des décennies de jeux d'appareil à Solférino. 

C'est, dans les deux cas, une manière de se renouveler à peu de frais, en changeant les têtes mais pas les programmes. Cela revient à remplacer le papier peint de la maison...  pour ne surtout pas toucher aux fondations.

Frédéric Says