

Après sa mise en examen, peu de responsables politiques appellent à la démission du président de l'Assemblée nationale.
On a tous une bonne raison de soutenir Richard Ferrand. C'est en tout cas ce que semble se dire la classe politique. Il faut le constater : après la mise en examen du président de l'Assemblée nationale, ils sont bien peu à demander son départ, dans la majorité comme dans l'opposition.
Commençons par la majorité. Cette mansuétude n'est pas étonnante. Elle s'explique de plusieurs manières.
D'abord la solidarité de parti. Richard Ferrand est l'un des plus anciens compagnons de route du mouvement En Marche.
Ensuite, l'homme est apprécié, il a été président du groupe majoritaire. Il a tissé des liens, lui le pilier chenu, au milieu des cohortes de novices.
Enfin, sa démission poserait une nouvelle fois un problème de ressources humaines à la République en Marche, démunie dès qu'il s'agit de trouver des cadres solides et expérimentés.
Qui mettre à sa place au perchoir ? Réponse pas évidente.
Voilà pourquoi l'Elysée a apporté son soutien à Richard Ferrand, en fragilisant la promesse d'une République exemplaire. C'est aussi pour cela que le premier ministre hier soir sur TF1 a insisté sur l'amitié qu'il portait au président de l'Assemblée nationale.
Edouard Philippe qui a manifestement changé d'avis. Ecoutez ce que professait le chef du gouvernement en juin 2017. Cela concernait déjà les ennuis judiciaires de Richard Ferrand, qui était alors ministre, et pas encore mis en examen.
Plus étonnant, c'est le silence radio chez Marine Le Pen. Pas un mot chez celle dont le parti revendiquait "la tête haute et les mains propres". Cette discrétion s'explique sans doute par les propres démêlés judiciaires du Rassemblement national.
Appeler à la démission de Richard Ferrand, c'est se mettre en position de soi-même devoir quitter son poste dans un cas similaire. Le Rassemblement national l'a compris : à force d'attiser le dégagisme, il peut se retourner contre lui.
Richard Ferrand a même trouvé un soutie au sein de l'opposition. A gauche, Jean-Luc Mélenchon tenait hier conférence de presse pour évoquer son propre procès. Après avoir dénoncé une « justice politique », le dirigeant insoumis s'est porté solidaire de Richard Ferrand :
"Peut-être que monsieur Richard Ferrand est tombé dans un piège. (...) Je ne crois pas les juges, je crois personne, alors j'attends. Et je n'ai pas confiance dans la justice !"
Jean-Luc Mélenchon et Richard Ferrand ont en commun autre chose qu'un passé au Parti socialiste : ils s'estiment donc tous deux maltraités par la justice.
Toujours sur les bancs de l'opposition mais à droite cette fois, là encore c'est une étrange tempérance qui prévaut.
Il faut dire que les tempêtes politiques suite à une mise en examen rappelle de sales souvenirs : celle de l'affaire Fillon. A l'époque, les ténors de LR en appelaient à la présomption d'innocence. Difficile de se déjuger. Le centre-droit n'est pas plus virulent. Le président du groupe Libertés et territoire à l'Assemblée, Philippe Vigier, en fait une question de principe :
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Une question de principe... Mais une raison pragmatique aussi : le centre-droit veut se rapprocher d'En Marche pour les municipales dans six mois. Il serait bête qu'en lâchant Ferrand, ce soient tous les accords électoraux qui tombent à terre.
Finalement, seul le Parti socialiste demande le départ du président de l'Assemblée nationale.
Que nous enseigne cette situation baroque ?
D'abord que la normalisation politique a bien vite gagné la République en Marche. Qui se souvient que l'une des premières lois du quinquennat fut celle de la moralisation de la vie politique ? C'était il y a trente mois, cela paraît il y a trente ans.
Ensuite, tout se passe comme si la transparence, le mot-vedette de ces dernières années, n'était plus si bien vue. Comme si elle était devenue un concept un peu douteux, une arme un peu limite.
Chaque parti l'a dégainé contre les autres, à la faveur des batailles électorales. Tous s'aperçoivent, désormais, qu'ils peuvent être visés en retour. Désormais, personne ne tire, de peur de prendre une balle perdue.
Cela crée un climat d'équilibre de la terreur, comme l'on disait pendant la guerre froide. Un climat propice au statu quo.
Voici peut-être ce qui va sauver le soldat Ferrand. Ou du moins, jusqu'à un procès et une éventuelle condamnation, lui faire gagner du temps.
Frédéric Says
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