Plusieurs eurodéputés français et des candidats à l'élection présidentielle ont profité du lancement de la présidence française de l’Union européenne pour interpeller et chahuter Emmanuel Macron.
L’hémicycle du parlement européen à Strasbourg s’est transformé hier en arène politique franco-française. Alors qu’Emmanuel Macron a officiellement inauguré la présidence française de l’Union Européenne, de nombreux eurodéputés français, mandatés par leurs groupes politiques respectifs, se sont vertement adressés au président de la République.
Ainsi Manon Aubry, pour La France Insoumise, l’a accusé de casser les “droits sociaux et de n’avoir rien à foutre de l’urgence climatique”. Jordan Bardella, pour le Rassemblement National, lui a reproché de participer à la mise en œuvre d’une politique migratoire susceptible de “submerger les nations européennes”.
Le député Les Républicains François-Xavier Bellamy l’a soupçonné de se “servir de l’Europe” pour sa “campagne présidentielle”. Et puis Yannick Jadot, seul candidat à l’élection présidentielle en France à être député européen, a décidé de faire du temps de parole qui lui était imparti un pamphlet contre le président français :
Vous resterez dans l'histoire, Monsieur le président de la République, le président de l'inaction climatique. Vous préférez procrastiner plutôt que de décréter la mobilisation générale.
Dans l’hémicycle, de nombreux députés se sont agacés, regrettant parfois tout haut que la campagne présidentielle française s’invite ainsi à la table européenne.
Mais les apostrophes en direction d’Emmanuel Macron n’ont pas seulement fusé dans l’enceinte du parlement européen. D’autres candidats à l’élection présidentielle ont exprimé leur griefs. A l’image de Marine Le Pen qui, elle, s’y est pris en amont en organisant la veille une conférence de presse à cet effet :
En matière européenne, nous opposons à Emmanuel Macron une vision nationale, une vision respectueuse des peuples, des histoires et des souverainetés nationales.
Eric Zemmour a pour sa part joué la simultanéité. Il s’est exprimé à la mi-journée depuis Calais où il était en déplacement alors qu’Emmanuel Macron poursuivait son échange dans l’hémicycle avec les eurodéputés :
C'est le discours de toutes les chimères habituelles de l'Europe puissance à l'Europe sociale.
Et puis Jean-Luc Mélenchon qui, lui, avait fait le déplacement à Strasbourg même s’il n’est plus député européen, est allé au-devant des journalistes livrer ses impressions quelques minutes après le discours d’Emmanuel Macron :
Le président français avait une petite marge de manœuvre qui était d'introduire de nouveaux sujets. Et là, on ne trouve rien. Sur le plan social, inexistant, et sur le plan climatique, à peu près autant.
Le chef de l’Etat français a donc été la cible, hier, de bon nombre de ses adversaires politiques. Il en est en partie responsable puisqu’il a décidé de faire de l’Europe une tribune et un tremplin pour sa réélection.
Car il n’était pas contraint de faire coïncider la présidence française de l’Union avec l’élection présidentielle. La date en avait été fixée en 2016 et il eut été possible de demander un report, de 6 ou de 12 mois, en proposant un échange avec l’un des pays qui vont succéder à la France la République Tchèque ou la Suède.
Mais il ne l’a pas souhaité, imposant ainsi la question européenne comme un thème de campagne majeur, comme en 2017. Et ce faisant, il entraine dans son sillage ses adversaires qui ne peuvent pas rester en retrait.
On a ainsi la confirmation que Marine Le Pen a fait évoluer son projet européen. Il n’est plus question pour elle de faire sortir la France de l’Union ou de renoncer à l’euro. On s'aperçoit aussi que Jean-Luc Mélenchon ne lance plus d’ultimatum pour tenter d’imposer une renégociation des traités européens. Il prévient juste qu’il cesserait, s'il était élu, d’en appliquer certaines dispositions.
La question européenne est le premier thème de campagne qui s'impose depuis la rentrée
c’est un autre élément qui a contribué à faire du lancement de cette présidence française de l’Union Européenne l’occasion d’un affrontement en vue de l’élection présidentielle.
Actuellement il n’y a pas vraiment de campagne électorale. Elle n’a pas démarré parce qu’elle est étouffée par la pandémie et la préoccupation sanitaire. Les Français gèrent leur agenda en fonction des jours où ils sont en télétravail. Les parents courent les pharmacies pour trouver des autotests à leurs enfants et les queues s’allongent devant les laboratoires d’analyses médicales.
Parallèlement, il n’y a pas eu de meeting depuis la reprise épidémique, hormis celui de Jean-Luc Mélenchon le week-end dernier, à Nantes. Il n’y a donc pas vraiment d’écho médiatique à la campagne et par conséquent, personne n’a encore vraiment la tête à cette élection.
On a donc d’un côté un président qui n’est pas encore officiellement candidat à sa réélection, mais qui mène campagne malgré tout, sans le dire vraiment, profitant de l’exposition médiatique que lui offre sa fonction de chef de l’Etat.
Et de l’autre côté, ses adversaires trépignent en coulisses et se précipitent sur la moindre opportunité d'exister médiatiquement, en l'occurrence sur cette petite fenêtre que leur offrait l’agenda européen du président français.
Tout ça n’est pas vraiment satisfaisant. Il faut un vrai débat public pour que s’opère la respiration démocratique que constitue l’élection présidentielle. Et il est temps que ça démarre. L’échéance approche à grands pas puisqu’on est aujourd’hui à 81 jours du premier tour.
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