

Un échange tendu en conférence de presse, hier en Inde, vient relancer cette question.
Il y a quelques temps, un journaliste avait tenté une expérience : s'informer uniquement par les réseaux sociaux. Pour voir les actualités qui lui parviennent et celles qu'il rate. Le même test fut pratiqué en s'informant uniquement avec le journal télévisé de 20 heures. Si l’on tentait le même exercice avec la presse people, que saurait-on de l’actuel président de la République ?
On saurait qu’il est jeune, qu’il est photogénique, qu’il aime se mettre en bras de chemise, le sourire aux lèvres, le regard intense. On saurait aussi qu’il vient de visiter le Taj Mahal avec son épouse. Sur les photos, le couple se mêle parfaitement à la beauté, à la symétrie des lieux - exceptionnellement vidés des touristes. En revanche, avec cette cure d’info 100% presse people, impossible d’imaginer cet échange tendu, en conférence de presse hier, entre une journaliste (Valentine Oberti de l'émission "Quotidien") et le président français :
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Le ton présidentiel est très sec, certes, mais à première vue le reproche n’est pas infondé : n’y a-t-il pas de questions plus importantes ?
Pourtant, la réponse du chef de l’État pose deux problèmes. D’abord, les différents thèmes "de fond" ont été largement abordés au cours de ces trois jours dans la presse. Il suffit d’ouvrir les journaux pour lire des encadrés sur l’alliance solaire, des récits sur les minorités musulmanes indiennes, des enquêtes sur les contrats franco-indiens signés pour l'occasion...
Deuxième problème : est-il normal que la légitimité des questions soit jugée par celui à qui elles sont adressées ? En d’autres termes, faudra-t-il désormais que les journalistes transmettent leurs questions par avance pour être sûr qu’elles agréent au désir ou à l’humeur du chef de l’État ? La communication présidentielle - efficace au demeurant - est-elle un thème tabou ?
Dans cet échange, Emmanuel Macron fait penser à un magicien qui serait agacé qu’on l’interroge sur ses tours, sur ses trucs. Comme s'il voulait le choc des photos mais pas le poids des mots, pour reprendre le slogan d’un hebdomadaire célèbre.
Plus largement, c’est la capacité à accepter la contradiction qui est posée.
Depuis le début du mandat, le président limite au maximum ses échanges avec la presse. Certes, pas toute la presse. Les mauvaises langues remarqueront que des entretiens exclusifs furent accordés à Laurent Delahousse et Cyril Hanouna ; sans doute pour mieux traiter ces fameuses "questions de fond".
Au Parlement, la logique n’est pas si différente : l’Exécutif veut limiter le droit d’amendement, c'est-à-dire encadrer davantage le droit de l'opposition à contester les projets de loi. Et depuis un an, l’État-major de l’armée aussi bien que les partenaires sociaux ont eu à se plaindre d’être mal traités pour avoir osé porter une parole dissonante. "La stratégie du rouleau compresseur" titrait hier Le Parisien avec un certain sens de la métaphore.
"Hors sa presence"
La pratique du pouvoir rêvée par Emmanuel Macron serait-elle contenue dans l’article 18 de la constitution ? Celui qui permet au président de prendre la parole devant le Parlement. Je cite l'article : « La déclaration du président de la république peut donner lieu, hors sa présence, à un débat qui ne fait l'objet d'aucun vote ». La contradiction, oui, mais hors la présence de l'intéressé. Le macronisme a déjà réformé, transformé, disrupté beaucoup de domaines. Il reste peut-être à inventer la conférence de presse... sans la presse.
Frédéric Says
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