L'expérience, une valeur en hausse

Emmanuel Macron a demandé à Nathalie Loiseau (à gauche) de conduire la liste, le 26 mai prochain.
Emmanuel Macron a demandé à Nathalie Loiseau (à gauche) de conduire la liste, le 26 mai prochain.  ©AFP - Frédérick Florin
Emmanuel Macron a demandé à Nathalie Loiseau (à gauche) de conduire la liste, le 26 mai prochain. ©AFP - Frédérick Florin
Emmanuel Macron a demandé à Nathalie Loiseau (à gauche) de conduire la liste, le 26 mai prochain. ©AFP - Frédérick Florin
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Emmanuel Macron, promoteur du "nouveau monde", a finalement choisi une tête de liste très expérimentée pour les élections européennes.

En politique, la notion d'expérience a eu mauvaise presse, ces dernières années.

Sous l'effet conjugué du dégagisme Mélenchono-lepéniste et du prétendu « nouveau monde » macroniste, les électeurs ont consciencieusement renvoyé chez eux les candidats aux CV trop fournis. Un peu comme ces entreprises qui ne vous recrutent pas parce que vous êtes "trop qualifiés" pour le poste. 

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C'est ainsi qu'on a chassé les "ronds-de-cuir", les "installés", les "cumulards", l'"ancien monde", les "notables". Tout valait mieux que ces parias de la République. Et notamment des candidats immaculés, porteurs du vent frais de l'inexpérience - le seul à même, croyait-on, de réoxygéner une vie politique en décomposition.

Cette période n'a-t-elle été qu'une parenthèse ? Observons le choix de la République en Marche pour les élections européennes. 

Première sur la liste : Nathalie Loiseau, ministre des Affaires européennes. Certes, un visage peu connu du grand public, mais un profil d'expérience dans la diplomatie et les relations internationales. En 1993, elle était déjà membre du cabinet du ministre des Affaires étrangères, un certain Alain Juppé. 

A ses côtés, un ancien ministre, Pascal Canfin, respecté pour son engagement associatif pour la planète, ainsi que la sénatrice centriste Fabienne Keller, de même que le très politique Gilles Boyer, conseiller à Matignon, ancien de l'UMP tendance Juppé. 

On le voit, pour ces européennes, Emmanuel Macron se garde bien de rejouer le scénario de sa campagne présidentielle. 

Cette fois, point d'outsider novice, ce sont les "têtes chenues" aux commandes. Le président prend le contre-pied de 2017, mais se démarque aussi des autres partis : Jordan Bardella (23 ans), François-Xavier Bellamy (33 ans), Manon Aubry (29 ans) ont été choisis, respectivement, par le Rassemblement national, les Républicains et la France insoumise. Le renouveau et la jeunesse. 

Au-delà du choix tactique, Emmanuel Macron épouse-t-il un retour en grâce de l'expérience en politique ?

Les débats sur le retour du cumul des mandats semblent le montrer. De même que l'éviction progressive de plusieurs ministres issus de la "société civile" (Françoise Nyssen, Nicolas Hulot).

Reviendrait-on à une forme de respect pour la posture du "sachant", du surplombant, du compétent ?  Cette posture qui permettait de gagner des duels - comme ici Dominique Straus-Kahn face à Nicolas Sarkozy au début des années 2000 : 

DSK : "L'INSEE a contesté ce rapport... Enfin, peu importe, continuez, continuez...      
NS : Enfin, pardon, on n'est pas à l'université... Merci monsieur le professeur...      
DSK : Si vous étiez mon élève, vous n'auriez pas fait cette erreur !"

Peut-être la société française, ivre de renouvellement en 2017, se demande-t-elle désormais s'il est bien raisonnable de confier les clés de la voiture à des pilotes à peine dotés du permis ? 

Balancier 

La question se pose d'autant plus pour les élections européennes. Dans un microcosme aussi complexe que celui du Parlement européen, avec des rôles aussi codifiés au sein des groupes, vis-à-vis de la Commission, du Conseil, des lobbies... élire un député novice, n'est-ce pas prendre le risque d'élire un député factice ? 

Les résultats du mois de mai nous en diront plus. Mais un tel retournement, s'il est en cours, n'est pas forcément étonnant. 

Sur la longue durée, ces mouvements de balancier sont fréquents. Les électeurs n'ont pas leur pareil pour élire l'anti-thèse du président sortant. 

Ainsi, après le mandat ronronnant de Jacques Chirac, ils ont élu le vibrionnant candidat Nicolas Sarkozy. Puis, lassés par ses extravagances, ils ont opté pour le « président normal » François Hollande. 

Déçus par le côté notable consensuel de ce dernier, les électeurs ont alors choisi le visage neuf et jeune d'Emmanuel Macron. 

Si l'on suit ce mouvement de balancier, la présidentielle de 2022 consacrera l'inverse d'Emmanuel Macron : une personnalité plus âgée, plus expérimentée, plus ancien monde, en somme. Si cette théorie s'accomplit, alors il est déjà temps pour Gérard Larcher, président de Sénat, de préparer ses tracts et ses affiches.

Frédéric Says

L'équipe