Au-delà du résultat, que restera-t-il de ce scrutin ?
Si le résultat de la primaire populaire n'a pas été une surprise totale - disons-le avec cette litote -, il reste en tout cas des effets politiques de plus long terme sur lesquels il est utile de s'interroger.
Quels en seront les legs ? On peut déjà en discerner deux, me semble-t-il.
D'abord, l'innovation du mode de scrutin. Ce n'était pas le vote classique à deux tours, mais le système du « jugement majoritaire ». C'est la première fois qu'il est utilisé en France à cette échelle.
Certes, ça semble d'abord un peu baroque, les candidats obtiennent non pas des pourcentages, mais des mentions : "passable", "bien", "insuffisant". A première vue, on croirait lire des bulletins scolaires.
Néanmoins, une fois les règles explicitées, la désignation du gagnant est assez claire : c'est celui qui a été le mieux évalué.
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Un tel vote permet non seulement de dégager un vainqueur, mais aussi d'établir un ordre de préférence.
Un système moins binaire : choisir un candidat, ce n'est pas rejeter totalement tous les autres. Vous pouvez nuancer votre choix, entre les prétendants que vous adorez, ceux que vous abhorrez - et ceux qui vous aimez bien.
Ce système a été conçu par deux chercheurs français, Michel Balinski et Rida Laraki, justement pour mieux refléter les convictions d'un corps électoral.
Bien sûr, nul système n'est parfait. Celui-ci peut avoir tendance à favoriser les candidats les plus consensuels.
Il désavantage les personnalités trop clivantes, celles qui obtiennent beaucoup de mentions très négatives.
Mais après tout, cela peut aussi faire respirer notre démocratie, ces temps-ci, saturée de polémiques personnelles et de postures polarisantes.
C'était un essai, il n'a pas échoué. En cela qu'il a permis de dégager une gagnante. Et de faire la pédagogie de ce vote alternatif.
Alors est-ce une mode ou une modalité d'avenir ?
Certes, la présidentielle d'avril prochain ne sera pas tranchée au "jugement majoritaire". Mais cette primaire populaire crée un précédent. Il pourrait intéresser les organisateurs de référendums locaux ou d'autres primaires ; par exemple pour sélectionner les candidats aux prochaines élections législatives.
Il faut donc garder un œil sur ce mode de scrutin. Mettons-lui la mention "bien".
Et l'autre phénomène qui vous semble intéressant à observer ?
C'est sans conteste la normalisation du vote électronique. Il y a encore quelques années, il était accompagné d'un parfum de soufre.
Cette fois, la primaire populaire l'a totalement banalisé. Tout comme l'avaient fait, d'ailleurs, la primaire des écologistes (septembre) et celle de la droite (novembre).
Tous ces scrutins ont eu lieu par internet. Crise sanitaire oblige. Pour les partis, c'est plus facile et moins coûteux qu'un vote physique.
Une petite révolution démocratique. Les votants à la primaire populaire ont même accepté de donner leur numéro de carte bleue, pour s'identifier et éviter les votes multiples.
Il y a donc une banalisation que l'on ne peut que constater.
Néanmoins, elle pose un problème, dans la mesure où le contrôle citoyen de l'honnêteté du scrutin est bien plus difficile.
Avec les urnes et le papier, vous pouvez observer le dépouillement des urnes dans votre bureau de vote.
Mais comment vérifier celui d'un vote électronique ? Certes, ces cyber-scrutins sont confiés à une entreprise indépendante, et audité par un expert de la CNIL, selon le site de la primaire populaire.
Cependant, nul expert n'écarte le risque de piratage, de panne, d'ingérence. Les Pays-Bas, d'ailleurs, après avoir essayé le vote électronique pendant dix ans, l'ont finalement interdit.
La question reste donc ouverte ; et il ne faudrait pas que la force de l'habitude, prise pendant cette pandémie, empêche demain toute remise en question.
Vous l'aurez compris, le vote électronique, dans cette chronique, récolte donc la mention "passable".
Frédéric Says
L'équipe
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