La croisade de Bruno Retailleau contre la PMA

Bruno Retailleau dans la cour du palais de l'Elysée le 5 février 2019
Bruno Retailleau dans la cour du palais de l'Elysée le 5 février 2019 ©AFP - Ludovic MARIN
Bruno Retailleau dans la cour du palais de l'Elysée le 5 février 2019 ©AFP - Ludovic MARIN
Bruno Retailleau dans la cour du palais de l'Elysée le 5 février 2019 ©AFP - Ludovic MARIN
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Le Sénat a voté, en deuxième lecture, cette semaine, la loi de bioéthique en l'amputant de sa principale disposition qui prévoyait d'autoriser la procréation médicalement assistée aux couples de femmes homosexuelles. Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, a joué un rôle majeur.

Le vote s'est déroulé dans la nuit de mercredi à jeudi dernier. Le Sénat a adopté, en seconde lecture, le projet de loi de bioéthique, mais sans sa mesure phare qui figurait à l'article 1er et qui prévoyait d'autoriser toutes les femmes à recourir à la PMA, la procréation médicalement assistée. Et ce qui est surprenant, c'est qu'en première lecture, en février 2020, le Sénat avait adopté l'article 1er et donc la PMA pour toutes les femmes. 

Ce revirement, les sénateurs le doivent à un homme, le président du groupe "Les Républicains" au Sénat, Bruno Retailleau. Il avait affiché sa position dès le commencement des discussions, mardi dernier. La PMA pour toutes, avait-il déclaré, il n'en voulait pas :

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Sur la PMA sans père, c'est bien faire primer la liberté individuelle sur le principe de vulnérabilité. C'est bien faire primer la volonté des adultes sur, je crois, l'intérêt et le droit des enfants.

Ce qui s'est passé est que la droite sénatoriale, derrière Bruno Retailleau, a voté deux amendements et en a laissé passer un troisième. Et ces trois amendements ont tout changé. 

Le premier stipulait que les femmes célibataires n'avaient pas le droit de recourir à la PMA. C'était réservé uniquement aux femmes vivant en couple. Il n'était donc plus question de PMA pour toutes. Le second amendement interdisait le remboursement de la PMA par la sécurité sociale autrement que pour un motif médical. Et puis le troisième, que les sénateurs de droite ont laissé passé, par "négligence" essayaient-ils après coup d'expliquer, autorisait la PMA post mortem, autrement dit la possibilité d'avoir un enfant malgré le décès d'un des deux conjoints.

Ces amendements ont eu pour effet d'offusquer les sénateurs de gauche qui se sont abstenus sur l'article 1er. Et du coup, seule la droite a voté et elle a voté contre. Le résultat est que l'article 1er a été rejeté supprimant la PMA dans le projet de loi bioéthique examiné par le Sénat.

Seulement, toute la droite n'est pas d'accord avec ce qui s'est passé. Le vote en première lecture, qui autorisait la PMA, était le fruit d'un compromis qu'espérait trouvé le président du Sénat, Gérard Larcher. Et hier, à l'occasion d'une conférence de presse, celui-ci a fait part de sa déception :

(L)es voix de ceux qui voulaient généraliser la PMA et de ceux qui la refusaient dans son principe se sont additionnées. C'est ce qui a conduit au rejet de l'article 1er.  Je regrette un peu que le Sénat ait laissé passer la chance d'améliorer le texte. Je le dis comme je le ressens.

Derrière Gérard Larcher, il y a plusieurs dizaines de sénateurs de la droite et du centre qui estiment que cette mesure constitue une évolution sociétale tout à fait acceptable. Et ces sénateurs là, dont beaucoup n'étaient pas physiquement présents au Sénat, ont le sentiment d'avoir été abusés. On leur avait "promis un scrutin public", disent-ils, on leur avait même "demandé leur consigne de vote", mais au bout du compte, c'est un vote à main levée qui a eu lieu. Ils n'ont pas eu voix au chapitre. L'un d'entre eux, le sénateur de l'Hérault, Jean-Pierre Grand, a même laissé un message, hier, sur twitter, indiquant ceci :

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Jean-Pierre Grand vise là explicitement Bruno Retailleau qui avait été l'un des principaux artisans du ralliement des réseaux catholiques de la Manif Pour Tous à François Fillon en 2017.

La droite se divise au Sénat

On peut constater qu'une partie de la droite sénatoriale se radicalise et se range derrière un leader, Bruno Retailleau. La raison en est que Bruno Retailleau est en campagne. Il ne cache pas d'ailleurs ses ambitions de devenir le candidat de la droite à la présidentielle.

Mais pour ça, il faut qu'il s'impose, qu'il montre ses muscles politiques, ce qu'il vient de faire en dictant sa volonté à l'ensemble de la droite sénatoriale. Il faut aussi qu'il mobilise ses troupes. Et sur ce point, il vient de donner des gages à toute cette droite radicale qui avait soutenu François Fillon jusqu'au bout en 2017, cette droite qu'on avait appelé "la droite Trocadéro", en référence au Rassemblement de la Place du Trocadéro. 

L'objectif de Bruno Retailleau est vraisemblablement de reprendre le flambeau, de galvaniser ceux qui seraient susceptibles de voter à une primaire qu'il appelle de ses vœux depuis des mois. Une primaire aurait, pour lui, le mérite de le faire apparaître médiatiquement dans la lumière, lui qui souffre d'un déficit de notoriété. 

Et ce qu'il réclame est une primaire au sein du parti Les Républicains. Or cette formation politique a perdu beaucoup de ses militants. Il n'y reste que les plus radicaux. Il a donc de fortes chances de s'imposer si elle est organisée.

A-t-il des chances de réussir ?. Ca c'est une autre affaire. En attendant Bruno Retailleau semble s'être lancé dans une croisade avec pour objectif de prendre la citadelle qu'on appelle l'Elysée. Et pour ça, il est prêt à toutes les batailles, même au sein de son propre camp.

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