

Avant les législatives, les opposants à Emmanuel Macron agitent la crainte d'une hégémonie d'En Marche.
Imaginons qu'il existe une bourse des mots les plus utilisés en politique. Plus une expression est employée, plus elle monte, moins elle est usitée, plus elle baisse. Exemples : "UMPS", "Nicolas Sarkozy", "Front de gauche" : en baisse.
A l'inverse, si vous voulez gagner de quoi payer vos prochaines vacances, c'est le moment d'acheter l'expression « Parti unique ». C'est l'élément de langage qui va monter ces prochains jours, jusqu'aux élections législatives. Les adversaires d'Emmanuel Macron l'utilisent pour mettre en garde les électeurs contre un raz-de-marée d'En Marche à l'Assemblée nationale.
Cela a commencé hier soir : « Nous avons besoin de votre soutien pour éviter un parti unique à l'Assemblée », écrit le député sortant Sergio Coronado. Candidat écologiste, il demande en quelque sorte aux électeurs de préserver la biodiversité politique des parlementaires.
"Parti unique" : de manière subliminale, l'expression convoque de vagues relents nord-coréens, comme si le péril était l'avènement d'un "Kim Jong-Emmanuel", à la tête du parti-Etat En Marche.
Retournement des éléments de langage
Certes, la réflexion autour de l'hégémonie d'un seul parti n'est pas dénuée de fondement. Mais quel retournement par rapport au discours d'il y a quelques semaines !
Pendant la campagne présidentielle, de gauche à droite, d'extrême-gauche à l'extrême-droite, tous les adversaires d'Emmanuel Macron expliquaient que le candidat En Marche ne pourrait pas diriger le pays, faute de majorité. Ainsi François Fillon déclarait-il, le 23 mars 2017 :
"Emmanuel Macron ne peut pas gouverner le pays, car il n'aura pas de majorité pour le faire. Si demain Emmanuel Macron était élu président de la République - ce qui à mon sens n'arrivera pas - il serait dans une situation d'impuissance, d'instabilité politique très grande". (François Fillon, dans l'Emission politique sur France 2)
Résumons le retournement : hier il ne fallait pas voter pour Emmanuel Macron car il n'aurait jamais de majorité ; désormais il ne faut pas voter pour lui parce qu'il en aura une. Hier, sa victoire était synonyme de retour à l'instabilité de la IVème république ; aujourd'hui elle incarne le danger absolutiste de la Vème. En un mot, hier il ne fallait pas voter Macron parce qu'il serait trop faible ; aujourd'hui parce qu'il serait trop fort.
Mais derrière cette mise en garde contre le "parti unique", on peut aussi lire une grande angoisse. Pour les formations qui ont régenté jusqu'ici le Vème république, c'est une manière de dire qu'elles-mêmes peuvent mourir. Une façon d'exorciser leur fin, déjà préfigurée lors de la présidentielle. Cela en dit long sur la recomposition politique en cours...
Il est vrai qu'entre temps, il y a eu les sondages pour ces législatives. Tous promettent une nette majorité absolue pour les "marcheurs". Par ailleurs, les premiers résultats des législatives chez les Français de l'étranger (qui votent avant) vont dans le même sens. Le parti d'Emmanuel Macron est crédité de près de 50% dès le 1er tour, en Amérique du Nord, en Russie, au Moyen-Orient, etc.
Y aura-t-il une Assemblée "orange Macron" comme on a connu des hémicycles bleu horizon ?
Si c'est le cas, alors Emmanuel Macron aura les mains totalement libres : pas de risque d'obstruction à l'Assemblée. Ni même l'émergence de frondeurs, puisque tous les candidats En Marche ont signé l'engagement de soutenir sans réserves toutes les réformes du quinquennat.
Avec un gouvernement à sa botte, une administration à ses ordres et un parlement à sa main, Emmanuel Macron n'aura plus d'obstacles à la réussite. Il n'aura plus non plus d'excuses à l'échec.
Frédéric Says
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