

Les candidats de gauche ont rejeté l'idée d'un vote des sympathisants pour les départager avant le premier tour de la présidentielle.
Est-ce un coup de poker, un coup de semonce ou un coup d'épée dans l’eau ? A vrai dire, un peu des trois.
En proposant hier aux candidats de gauche de se départager grâce à une primaire, Anne Hidalgo tente le tout pour le tout.
Le contexte l’y pousse, à quatre mois du scrutin :
Les sondages, d’abord. Score à un chiffre pour chacun des prétendants à gauche. De Yannick Jadot à Jean-Luc Mélenchon, en passant par Fabien Roussel ou Arnaud Montebourg.
Et l’encéphalogramme bouge à peine.
Symbole cruel mais instructif d’ailleurs, sur TF1, l’interview d’Anne Hidalgo hier soir fut programmée en 2ème partie du JT, juste après un sujet sur l’eau du robinet. Et juste avant un reportage sur les jouets de Noël.
Autre élément de contexte : ce coup de poker d’une primaire à gauche intervient juste après la primaire de la droite, qui a donné une impulsion certaine à Valérie Pécresse.
Anne Hidalgo observe aussi la soif de participation des citoyens qui ne résignent pas à un second tour sans la gauche. L’essor de la primaire populaire en est la preuve. Même si cette démarche citoyenne n’a pas suscité l’intérêt des grands partis.
Le contexte, toujours, c’est qu’à l’étranger la gauche gagne ici ou là. Elle dirige la nouvelle coalition en Allemagne, elle vient de l’emporter en Norvège, elle gouverne l’Espagne. Bref, il existe quelques bulles d’espoir.
Cet appel d’Anne Hidalgo est un coup de poker, c’est aussi un coup de semonce, disiez-vous…
Oui, un coup de semonce, au moment où les discours nationalistes semblent donner le tempo de la campagne. L’extrême-droite est aux portes du pouvoir, alerte la candidate socialiste.
Les images du week-end dernier, plus de 10 000 zemmouristes rassemblés en meeting en Seine-Saint-Denis, montrent que cette candidature n’est pas, n’est plus, une simple construction médiatique, une bulle fantasmée, mais un phénomène réel.
Le contraste en est d’autant criant avec les rangs clairsemés, souvent à gauche.
Le covid ou la volonté d’horizontalité n’explique pas tout.
Quand l’affluence n’est présente ni dans les réunions ni dans les sondages, cela commence à faire beaucoup d’indices concordants.
Par cet appel, Anne Hidalgo tend un miroir à la gauche. L’image rendue y est peu flatteuse ; il y a urgence à changer de visage.
Néanmoins, cette idée d’une primaire tient aussi du coup d’épée dans l’eau.
D’abord parce que les principaux intéressés ont très vite décliné l’offre hier soir. Pour Jean-Luc Mélenchon c’est niet. Pour les Verts aussi. Le candidat communiste Fabien Roussel, fait savoir qu’il ira jusqu’au bout.
Bref, la proposition d’union a fait l’union contre elle.
Il n’y a guère qu’Arnaud Montebourg qui a entr’ouvert la porte. Et encore, en laissant la chaîne de sécurité. Ecoutez, il était hier soir sur France Info :
"C'est une proposition que je salue. Est-ce que cette proposition suffira ? Je ne sais pas. Car je ne vais pas me retrouver dans une primaire avec madame Hidalgo en tête à tête"
Il est vrai que cette idée de primaire se heurte à plusieurs obstacles.
Pas seulement sur le fond. Un contrat de gouvernement est toujours possible.
D’ailleurs, dans les années 2000, le gouvernement Jospin comptait comme ministres à la fois Jean-Luc Mélenchon et Pierre Moscovici.
Non, la faiblesse de cette idée, c’est que la plupart des candidats en lice sont déjà issus d’une primaire ou d’un vote interne.
Cela reviendrait donc à organiser une primaire des primaires.
Comme au football, il y aurait les matchs de poule, les quarts de finale et ainsi de suite jusqu’au 24 avril prochain. A moins que ce ne soit surtout des matchs de barrage (républicain).
Cela dit, l’initiative d’Anne Hidalgo provoque déjà un petit bouleversement.
Pour la première fois, une candidate à gauche reconnait qu’elle pourrait s’effacer au profit d’un autre prétendant mieux placé. Ce qu’avait fait Arnaud Montebourg plus tôt dans la journée d’hier.
Contraste saisissant avec les postures martiales jusqu’ici entendues : “j’irai jusqu’au bout, quoi qu’il arrive”. Presque quoi qu’il en coûte.
Frédéric Says
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